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Luxembourg a produite. Le danger des créations et des inventions arbitraires et artificielles dans la politique étrangère a-t-il jamais apparu avec un caractère plus saisissant ? Le péril d’un gouvernement personnel se plaçant et agissant systématiquement dans les affaires extérieures hors de l’atteinte et du contrôle de l’opinion publique peut-il être impunément affronté dans notre siècle et avec les intérêts qui composent notre civilisation ? Tout cela ne nous ramène-t-il point à faire un retour sur nous-mêmes ? N’est-ce point avant tout à nos progrès intérieurs que doivent s’appliquer nos efforts ? Pour rendre la France vraiment grande, confiante en elle-même et digne de la confiance sympathique des autres peuples, n’est-il point proclamé par les plus décisifs enseignemens du patriotisme qu’il faut que nous prenions enfin la résolution de recouvrer l’ensemble de nos libertés et de secouer ces pratiques routinières de système absolutiste qui nous rapetissent et nous débilitent ?

Si on n’avait à juger de l’Italie que sa politique étrangère, il faudrait avouer qu’elle a été en ces derniers temps irréprochable. La diplomatie italienne s’est donné beaucoup de mal pour seconder le travail favorable à la conservation de la paix. Elle a adressé de pressantes représentations à Berlin. Si la guerre eût éclaté, le gouvernement italien eût voulu être en mesure de faire pour nous mieux que des vœux ; malheureusement l’Italie, dans son gouvernement intérieur, est assaillie de difficultés dont il n’est point possible de voir la fin. Parmi ces difficultés, il en est deux principales, les finances et la question même du gouvernement. Un ministre des finances doit être en Italie un révélateur, un prophète. On attend avec impatience la révélation de M. Ferrara. On est curieux de savoir comment ce financier infortuné, condamné à faire des miracles, pourra dresser un budget vraisemblable, opérer des économies sans réduire trop radicalement les dépenses de la marine et de l’armée, accroître les revenus sans augmenter les impôts, tirer en argent comptant des propriétés ecclésiastiques de quoi combler durant plusieurs années les déficits certains des budgets. On ne peut que promettre un accueil indulgent à un ministre qui s’est chargé d’une besogne si extraordinaire. L’impression produite par le plan de M. Ferrara aura une influence très prompte sur le sort du ministère. Le défaut du cabinet Rattazzi est, si l’on excepte son président et le ministre des finances, de ne représenter qu’un personnel fort terne. M. Rattazzi a pour lui de travailler beaucoup, d’être décidé à présenter des réformes administratives très hardies, et d’être très habile dans le maniement du personnel des chambres. Le ministère en ce moment ne serait pas vu de trop mauvais œil par l’opinion publique ; mais, si le plan financier n’obtient point la faveur de la chambre, les jours du cabinet seront bientôt comptés. On dit que M. Rattazzi, ébranlé, se tournerait vers la gauche, et pourrait tirer un accroissement de force d’un rajeunissement radical : effet bien douteux d’une évolution de parti qui, nous le