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craignons, demeurerait impuissante à changer le tempérament des hommes politiques d’Italie. La guerre, si elle eût éclaté au centre de l’Europe, eût peut-être aggravé les difficultés italiennes ; peut-être eût-elle été l’occasion d’une manifestation décidée du parti d’action contre les derniers débris du pouvoir temporel. On avait fort redouté que la présence de Garibaldi en terre ferme et sa participation promise aux travaux parlementaires ne fissent éclater quelque bruyant épisode de la question romaine. Ce péril paraît momentanément détourné. L’Italie a un air de lassitude, et le héros de Caprera ne rencontre point dans les esprits une exaltation capable de répondre à son éternel enthousiasme.

Les vacances de Pâques sont terminées dans tous les pays à parlemens. Les chambres prussiennes viennent d’être ouvertes par un discours du roi Guillaume d’un intérêt exclusivement germanique, et qui ne s’adresse à l’attention des étrangers que par une phrase sur la paix sincèrement accentuée. La fonction du parlement prussien sera de ratifier la constitution fédérale votée par le Reichstag du nord. Ce travail de révision ne semble devoir donner lieu à aucun incident remarquable. En Angleterre, la rentrée du parlement est plus intéressante. On va achever le vote du bill de réforme ; on va voir à quels résultats aboutiront les scissions qui se sont produites dans les rangs du parti libéral. Ces mouvemens intérieurs des partis peuvent donner lieu à des incidens intéressans, si l’on en juge par la conduite du chef du parti libéral, de M. Gladstone lui-même. M. Gladstone a gardé une dent à son parti à propos de l’échec du premier amendement qu’il avait présenté au bill de M. Disraeli. On sait qu’à cette occasion une cinquantaine de libéraux s’étaient séparés de M. Gladstone, et avaient donné leurs voix au projet ministériel. A la suite de ce revirement de parti, compensé très insuffisamment par la défection de quelques tories mécontens qui votèrent pour l’amendement de M. Gladstone, le cabinet eut une majorité de 21 voix. On dirait que cet échec a laissé une blessure au cœur de M. Gladstone. L’éloquent orateur a informé le public, par une lettre adressée à un représentant de la Cité et insérée immédiatement dans les journaux, qu’instruit par son échec, il ne persévérerait point dans les amendemens dont il avait présenté la série ; devant la défiance que lui avait témoignée une portion de son parti, M. Gladstone regardait de nouveaux efforts comme stériles. L’idée qui cette année s’est emparée de l’opinion politique anglaise dans la chambre et hors de la chambre, c’est qu’il ne faut point faire du bill de réforme une question de parti et de cabinet, qu’il faut prendre le projet ministériel comme un thème que le parlement devra remanier au besoin pour le compléter ou le restreindre. Voté dans ces conditions, le bill de réforme serait l’œuvre du parlement et une sorte de compromis amiable entre les partis. M. Disraeli s’est prêté avec un grand tact à cette disposition et à ce vœu de l’opinion publique. Il a reconnu que son projet de réforme, fondé sur des principes dont le cabinet