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voitures[1], et on forme son dossier. Une chemise de fort papier administratif contient toutes les pièces qui concernent le cocher. Elle est naturellement composée de quatre pages ; sur la première, on écrit le nom du cocher, son numéro, la date de son inscription ; puis cette première page et la seconde portent l’intitulé : relevé des mises à pied, divisé en quatre colonnes : 1° numéros d’ordre, 2° date des décisions, 3° durée des punitions, 4° analyses des plaintes ; la troisième page est partagée en deux : relevé des rapports non suivis de punition, relevé des sommiers judiciaires, la quatrième est réservée aux antécédens, — favorables, — défavorables, de sorte qu’au premier coup d’œil on voit à qui l’on a affaire et qu’on peut prononcer en connaissance de cause.

Toute plainte adressée à la police contre un cocher est suivie d’effet. Si la plainte a été écrite sur le registre spécial qui est déposé dans chacune des 158 stations de Paris, elle est copiée ? par le surveillant et envoyée, par lui au chef de bureau ; si la plainte a été adressée directement au préfet, elle est immédiatement transmise au même chef de bureau, qui connaît son nombreux personnel de façon à ne se jamais laisser tromper. Une instruction est faite par le contrôleur de la fourrière, le cocher inculpé est appelé ; s’il y a doute, on le met en présence du plaignant afin qu’il y ait débat contradictoire ; le contrôleur fait le rapport, analyse brièvement sur une formule imprimée les faits qui sont à la charge et à la décharge du cocher, et propose, selon sa conviction, la mesure qu’il juge convenable d’appliquer ; puis le tout est retourné au chef de bureau, qui, revoyant de nouveau l’affaire, pesant les considérations qui militent pour ou contre le cocher, prononce sans appel. Le plaignant est alors prévenu par une lettre officielle de la décision que la préfecture de police a prise. La peine est toujours une mise à pied plus ou moins longue ; jamais on n’inflige d’amendes : au profit de qui seraient-elles versées ? Cependant, lorsque tous les ans la préfecture de police récompense les cochers qui ont montré de la probité, c’est dans sa propre caisse qu’elle prend les 1,500 francs qu’elle leur distribue. Quand un cocher est devenu absolument incorrigible, que les observations, les punitions, les réprimandes, les menaces, les encouragemens, s’émoussent sur lui, on le renvoie et on lui retire le droit de conduire les voitures de louage. L’exclusion n’est jamais prononcée que par le préfet de police lui-même sur le rapport minutieusement motivé du chef de bureau spécial qui en a conféré avec le chef de division. Le samedi, on réunit à la préfecture de police toutes

  1. En dix ans, du 14 mars 1857 au 14 mars 1867, la préfecture de police a délivré 23,669 numéros de cochers.