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Les condamnations disciplinaires prononcées pendant la semaine, on les signale le lundi à la brigade de sergens de ville spécialement chargée de la surveillance des voitures[1], et la mise à pied commence réglementairement le mardi. Les réclamations des voyageurs sont nombreuses, 180 par mois environ, dont 60 au moins sont suivies de punitions ; l’année 1866 a été exceptionnelle, car elle n’a produit que : 1,754 plaintes.

Autrefois, lorsqu’un cocher avait surtaxé un voyageur et qu’on en acquérait la preuve, il était mis à pied et de plus il devait se transporter de sa personne chez le plaignant, lui faire des excuses, lui remettre la somme en trop qu’il avait exigée et rapporter à la préfecture de police le reçu qui constatait sa restitution. Cette méthode offrait plus de danger qu’on ne pensait, on en fit la dure expérience. Le 16 septembre 1855, le directeur de l’école normale de Douai, M. Juge, accompagné de sa femme, prit sur la place de la Concorde la voiture du cocher Collignon, et se fit conduire au bois de Boulogne. Le cocher exigea du voyageur plus qu’il ne lui était dû. M. Juge adressa une plainte à la préfecture de police dès le lendemain. Le 22 septembre, Collignon, appelé à la fourrière, reçut l’ordre d’aller reporter à M. Juge la somme qui constituait la surtaxe. En sortant de la fourrière, Collignon acheta des pistolets ; il vendit son mobilier le 24, et se rendit rue d’Enfer 83, chez M. Juge. La discussion fut des plus calmes, mais pendant que M. Juge signait le reçu, Collignon lui tira un coup de pistolet à bout portant et lui fit sauter la cervelle ; Mme Juge s’étant précipitée pour soutenir son mari, l’assassin la visa, fit feu et la manqua ; puis il ouvrit la porte, et se sauvait dans les escaliers lorsqu’il fut arrêté par Proudhon. Il comparut le 12 novembre devant la cour d’assises et fut condamné à mort. Il ne montra aucun repentir ni pendant les débats, ni en prison, ni à la dernière heure. Il mourut impassible sur l’échafaud le 6 décembre. Depuis cet événement, on a adopté un autre système de restitution. La somme exigée en sus du prix légitimement dû est déposée à la préfecture de police, qui fait écrire au voyageur lésé qu’il ait à venir la retirer, sinon au bout d’une année écoulée elle est envoyée au bureau de bienfaisance.

Les cochers sont tenus de montrer leurs papiers à toute réquisition des agens de l’autorité ; ceux-ci sont en outre chargés de faire conduire à la fourrière les voitures abandonnées sur la voie

  1. Cette brigade spéciale est composée de 60 agens sous la direction d’un officier de paix ; en outre les 3,600 sergens de ville disséminés dans Paris ont le droit et le devoir de surveiller les voitures de louage, de vérifier la feuille des cochers, de les mettre en contravention et de les déclarer procès-verbal. Cette surveillance multiple est incessante et s’exerce la nuit aussi bien que le jour.