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n’est pas à Paris qu’ils se montrent, c’est à Nantes en 1826. Ils y obtinrent un succès qui engagea l’entrepreneur à demander de les établir à Paris. M. Baudry, qui venait de remettre au jour la vieille invention de Pascal, avait été très compromis dans les affaires du carbonarisme ; M. Delavau, alors préfet de police, vit sans doute un danger politique dans la circulation de voitures destinées à toutes les classes de la société, car il éconduisit M. Baudry, qui s’en alla à Bordeaux installer un service inauguré le 25 octobre 1827. Sur ces entrefaites, M. Debelleyme remplaça M. Delavau. Le nouveau préfet de police avait l’esprit plus libéral et moins timoré que son prédécesseur, car le 30 janvier 1828 il autorisa MM. Baudry, Boitard et Saint-Céran à mettre enfin leur projet à exécution. L’entreprise générale des omnibus fut fondée. Le nom seul est un chef-d’œuvre. Il est à la fois facile à retenir, étrange par son origine exotique, et contient une définition complète. En effet, les nouvelles voitures étaient pour tous, c’est là ce qui devait en assurer le succès et finir par les rendre indispensables à la population. Cent omnibus furent offerts au public. Ils partaient de stations fixes et parcouraient un itinéraire invariable réglé par l’autorité compétente. C’étaient de lourdes voitures dont la forme extérieure rappelait celle des gondoles ; elles contenaient quatorze places ; chaque place coûtait cinq sous ; elles étaient traînées par trois chevaux attelés de front, et le cocher, à l’aide d’une pédale à soufflet placée sous ses pieds et aboutissant à deux trompettes, sonnait des fanfares lugubres pour annoncer son passage.

Ce fut de l’engouement. Les omnibus suffisaient à peine à conduire tous les voyageurs qui se pressaient aux abords des stations. Cependant l’affaire ne réussit pas, elle était chargée de frais trop pesans, auxquels ne répondaient pas les bénéfices. On rétablit l’équilibre en supprimant un cheval, en augmentant de cinq centimes le prix de la course et en construisant des voitures qui, moins larges, mais plus longues, pouvaient contenir deux places de plus et un strapontin supplémentaire. Dès lors la fortune de l’entreprise fut faite, et chacun demanda des concessions nouvelles ; on n’en fut pas avare, et les rues de Paris furent sillonnées du matin au soir par des voitures oubliées aujourd’hui, mais qui firent parler d’elles autrefois. C’étaient les tricycles, qui n’avaient que trois roues, les favorites, les béarnaises, les dames blanches, les dames réunies, les constantines, les batignollaises, les gazelles, les hirondelles, les écossaises, les excellentes, les parisiennes, les citadines, et d’autres certainement, que j’oublie, qui vécurent un jour et n’ont plus reparu. Quelques-unes ont subsisté jusqu’en 1855. A cette époque, on voulut réunir en une seule toutes ces entreprises diverses ; une