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collier ne parcourt en moyenne que 16 kilomètres par jour ; de cette façon, on a sans cesse des chevaux frais, leur santé n’est pas compromise par des fatigues excessives, et ils ont leur nourriture à des heures réglées ; aussi n’est-il pas rare de voir dans les dépôts des chevaux de quinze ans pouvant encore faire un excellent service. On les soulage en cas de besoin, et toutes les fois que sur leur parcours se rencontre une pente trop raide (il y en a trente et une à Paris), on leur adjoint un cheval de renfort. A moins d’accidens ou de maladie, ce sont toujours les deux mêmes chevaux qui sont attelés en même temps au même omnibus, sous le même cocher. A l’écurie ; ils ne se quittent pas, ils sont réunis dans un seul box devant une mangeoire unique divisée en deux augettes. Grâce à ce système, — dont l’adoption prouve à quel point l’on s’est préoccupé de ce que j’appellerai prétentieusement le bien-être moral des animaux, — un attelage est un tout complet, intelligent, se connaissant parfaitement, où la corrélation des animaux entre eux et du cocher aux animaux existe en permanence. Ceux qui, dans nos rues populeuses, sur nos boulevards encombrés, ont été souvent émerveillés de l’inconcevable docilité des chevaux d’omnibus, qui s’arrêtent, repartent, évitent les chocs, et semblent, tant ils dépensent d’adresse, avoir une âme prévoyante et un raisonnement subtil, savent maintenant le secret de leur intelligence extraordinaire. En les accouplant selon leurs aptitudes et leur tempérament, en ne les séparant pas du compagnon auquel ils sont habitués, en les laissant sous la même main dont ils connaissent la moindre inflexion, on les a sociabilisés.

L’entreprise générale fabrique ses voitures d’après un type imposé par la préfecture de la Seine ; ses ateliers sont situés à La Chapelle-Saint-Denis et sont fournis de tous les instrumens que la science moderne offre à l’industrie. Un omnibus prêt à être attelé et pouvant contenir vingt-huit personnes revient à 3,500 francs (non compris les frais généraux d’atelier) ; à ce prix, une voiture est construite avec des matériaux de premier choix et par des ouvriers d’élite. Le droit de stationnement perçu par la caisse municipale est de1 million pour les 500 premières voitures et de 1,000 francs par voiture excédant le nombre de 500 : aussi l’entreprise a-t-elle payé 1,958,000 francs d’impôts en 1866. Les fourrages, achetés en quantités assez considérables pour dépasser tous les besoins prévus, sont répartis dans chacun des dépôts, qui sont munis de greniers aérés où l’avoine est retournée au moins trois fois par mois afin d’éviter toute mauvaise chance de fermentation.

Le personnel actif de l’entreprise générale n’est peut-être pas parfait, mais il est d’une moralité extrême, si on le compare à celui