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quantité relativement très inférieure. Durant les dix années qui ont précédé la révolution de juillet, sur une population moyenne de 31,633,345 individus de tout âge et de tout sexe, la moyenne des naissances a été de 974,180,soit 1 enfant sur 32 habitans ; en d’autres termes, il naissait 307 enfans pour 10,000 habitans. Si cette loi de progression proportionnelle n’eût subi quelque secrète atteinte, il aurait dû naître en France en 1861 1,147,760 enfans : or dans cette année, singulièrement favorisée cependant, il n’y eut, sur une population de 37,386,313 individus, que 1,005,078 naissances ; le déficit a donc été de 142,682.

Dans un sujet si grave, il est impossible de se fier aux statistiques du premier empire. Nos investigations ne peuvent donc remonter jusqu’à cette époque ; mais à partir de la période décennale que nous avons indiquée, les documens, mieux élaborés, prennent en même temps un caractère de véracité non suspect : or depuis la fin de cette période, c’est-à-dire depuis 1830, le déchet relatif de la natalité est manifeste ; il est allé croissant jusqu’à ces dernières années. Maintenant ce redoutable phénomène, qui semblait annoncer l’épuisement de notre race, ne s’aggrave point, il est vrai ; mais il tend à se perpétuer avec le degré d’intensité qu’il avait atteint il y a six ans. Au lieu de s’accroître annuellement d’un individu par trente-deux, comme à la fin de la restauration, l’état ne s’accroît plus que d’une unité par trente-sept, ce qui fait qu’on se demande avec effroi si près d’un sixième de la population totale n’a pas été frappé d’une incurable stérilité.

Le déficit relatif des naissances avait été, de 1841 à 1845, de 92,850 par an ; il s’éleva, pour les années 1851-1855, à 162,676, et dans la période de 1861 à 1864 il montait encore, en pleine paix, à 153,480, année moyenne. Si l’on additionne les chiffres annuels, on voit qu’en trente-quatre ans le déchet total est de 3,953,475, c’est-à-dire de près de 4 millions d’enfans dont les deux tiers environ seraient aujourd’hui des hommes. Jusqu’ici cependant nous n’avons comparé la France qu’à elle-même, et l’on ne saurait se consoler des résultats constatés par ce rapprochement, alors même que de tels symptômes de déclin se seraient produits dans le reste de l’Europe ; que serait-ce donc si nous prenions pour point de comparaison les nations étrangères, et si nous nous demandions ce qu’un même nombre d’hommes, pris dans un autre milieu, aurait produit de rejetons pendant la même période ! Ce n’est plus alors par cent mille, c’est par trois ou quatre cent mille naissances en moins pour une seule année que se solderait notre déficit.