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n’est pas rare que les journaux racontent que des ouvriers ont été asphyxiés dans un égout ou dans une fosse d’aisances ; ce qu’ils ne nous apprennent pas, c’est que des puits sont souillés par les infiltrations de ces émonctoires jusqu’à la distance d’un kilomètre. Il y a peu d’années, une famille fut empoisonnée auprès de Saint-Étienne par l’eau d’un puits qui avait été bue jusqu’alors avec impunité. L’analyse chimique y fit découvrir une quantité notable d’arsenic, résidu d’une usine assez, éloignée du théâtre de l’accident. Est-il besoin d’insister davantage ? Qui n’a été frappé des odeurs nauséabondes que certaines fabriques répandent parfois sur une ville entière ? Qui n’a été aveuglé par les nuages d’épaisse fumée, que les cheminées d’appareils à vapeur déversent dans l’atmosphère et que le vent rabat à la surface du sol ? Qui n’a été incommodé par les gaz méphitiques qu’exhalent les eaux stagnantes, les bouches d’égout dans les villes, les amas de fumier dans les campagnes ? Un magistrat éminent qui administra longtemps le département du Nord, M. Vallon, déclarait qu’il ne pouvait sortir de chez lui sans percevoir l’odeur de l’hydrogène sulfuré. Lorsqu’il s’agit de ce gaz désagréable, l’odorat du moins dénonce l’infection avant que le corps n’en éprouve les effets délétères. Au reste, odeurs toxiques ou simplement incommodes, tout cela peut être, à de rares exceptions près, corrigé et purifié. Quelques industries ont reçu sous le rapport de l’assainissement des améliorations qui dépassent ce que l’on en pouvait espérer, et les travaux de voirie exécutés à l’intérieur des villes ont souvent combattu avec succès les causes d’insalubrité qui sont propres aux grandes agglomérations.

Notre étude aura donc pour objet de savoir ce que sont et ce que devraient être les travaux ; qui sont relatifs à l’assainissement des villes. Il sera nécessaire de passer en revue les usines insalubres, les modes de sépulture, la construction et le nettoyage des égouts, et surtout ce qui se rapporte à l’évacuation et à l’emploi des déjections humaines. Sans doute le sujet répugne, et l’on ne saurait l’aborder qu’avec la crainte d’inspirer le dégoût ; mais il est des plaies qu’on doit sonder, jusqu’au vif, quelque répugnance qu’on y éprouve. Lorsqu’on est convaincu, qu’un mal existe et que le remède n’est pas loin, on ne saurait s’en laisser détourner par la délicatesse des sens, st justifiée qu’elle soit en toute autre occasion. D’ailleurs, si l’on se place au point de vue scientifique, les matières fécales ne sont plus la chose repoussante que chacun sait ; cela devient du phosphate, de l’ammoniaque, de l’acide urique et autres corps à composition bien définie dont l’agriculture ne demande pas mieux que de faire son profit. Imitons les Romains, qui, soucieux de l’hygiène publique, n’eurent pas nos répugnances efféminées pour les égouts de leurs grandes cités, et qui en confiaient l’entretien,