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comme une marque d’honneur ; à des personnages éminens, curatores cloacarum. Sachons au moins ce qui se passe en ces rues souterraines et de quelle manière elles contribuent à notre bien-être, à notre santé.


I

Les odeurs méphitiques ou malfaisantes que dégagent les établissemens industriels doivent être envisagées à un double point de vue : d’abord parce qu’elles affectent d’une façon directe les ouvriers que ces établissemens emploient, en second lieu parce qu’en corrompant l’air, le sol ou l’eau, elles étendent parfois à une grande distance leurs dangereux effets. Les fabriques qui peuvent nuire au voisinage sont assujetties, on le sait, à la formalité d’une autorisation préalable, afin de prévenir ou tout au moins d’atténuer ces inconvéniens. Cette sage restriction ne figure dans la législation française qu’au profit de la salubrité extérieure, car l’industriel n’est soumis à aucune mesure d’hygiène en faveur de ses ouvriers. En Belgique au contraire, le gouvernement se réserve le droit de prescrire des précautions hygiéniques dans l’intérêt des travailleurs. En Angleterre, bien que la loi intervienne souvent dans le régime des manufactures pour limiter les heures de travail ou pour fixer les conditions d’âge de l’admission des enfans aux usines, le maître de fabrique n’est obligé à rien de ce qui pourrait améliorer la condition sanitaire de ceux qu’il emploie. C’est assurément une lacune fâcheuse, mais il est digne de remarque que les ouvriers de tous pays montrent une telle insouciance de leur santé que les meilleures réformes échouent souvent par leur mauvais vouloir. Ainsi, dans certaines fabriques où l’on met en œuvre des substances toxiques, les patrons ont voulu contraindre les ouvriers à porter des gants de peau ou à se laver les mains à grande eau au sortir du travail ; ceux-ci ont souvent refusé de se conformer à des injonctions si simples. M. de Freycinet cite même une usine aux environs de Newcastle que les ouvriers menacèrent d’abandonner parce qu’on les assujettissait à prendre des bains périodiques. Toutefois une discipline sévère triomphe le plus souvent de ces préjugés déplorables. Il ne faut guère que des soins hygiéniques pour éviter les maladies graves dans les ateliers les plus insalubres. Contraindre les ouvriers à pratiquer d’abondantes ablutions chaque fois qu’ils quittent le travail ; les soumettre à de fréquentes visites médicales et faire intervenir un traitement énergique dès que les premiers symptômes d’empoisonnement se manifestent, ainsi que cela se pratique dans les fabriques de céruse, employer aux préparations les plus malsaines, comme aux cristalleries de Saint-Louis