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populations pauvres ne restent dans la boue qu’autant qu’il leur plaît de n’en pas sortir. Toutefois on ne peut contester que sur le sujet qui nous occupe les habitudes vicieuses se retrouvent en tous pays, sous tous les climats. On ne sait que trop ce qui se passe dans les contrées du midi, où les matières fécales sont traitées avec autant de sans-gêne que le fumier des bestiaux. Dira-t-on que la chaleur du soleil et la sécheresse du climat sont une excuse ? Mais en Flandre, où les conditions atmosphériques sont bien différentes, les mêmes coutumes attirent l’attention de l’hygiéniste avec un plus haut degré d’intérêt, car l’humidité habituelle de l’atmosphère en aggrave les funestes conséquences. Croirait-on que les fosses d’aisances sont souvent réduites à un simple trou découvert où la pourriture, la maladie et la mort se distillent à toute heure du jour et de la nuit ? Le mal parut si grand que le gouvernement belge s’avisa d’instituer en 1849, pour les rues ou quartiers que fréquente la classe ouvrière, des prix de propreté, primes accordées aux familles qui donnent le plus de soin à la tenue de leur demeure. Ces récompenses modestes ont introduit, paraît-il, en certaines villes de Belgique une heureuse émulation, en même temps que les visites périodiques des bureaux de bienfaisance et des comités auxquels incombait le soin d’apprécier les résultats stimulaient l’incurie des pauvres habitans de ces quartiers, et leur enseignaient les premières notions d’hygiène.

En Angleterre, où les circonstances climatériques sont encore plus défavorables, les fosses ouvertes ne sont pas une exception. Les commissions d’enquête sanitaire de 1849 et de 1854 pénétrèrent dans des logemens dont le plancher était recouvert par des nappes d’immondices débordant des fosses voisines. Jusqu’au sein de grandes villes, telles que Manchester et Liverpool, le sol était saturé à une grande distance par les infiltrations de ces hideux réceptacles. En raison même de ce que le mal était plus grave qu’en notre pays, les Anglais s’en sont préoccupés plus tôt que nous. Aussi en sont-ils arrivés à condamner d’une façon absolue les réservoirs de matières fécales. Ils n’ont pas cherché, comme on l’a fait ailleurs, à améliorer le système de vidanges ; ils ont préféré des dispositions qui suppriment tout à fait ces grands dépôts d’immondices. On compte qu’à Londres seulement on en a fait disparaître trois cent mille depuis dix ou douze ans. S’il faut en croire l’esprit pratique de nos voisins d’outre-Manche, la vraie méthode de se débarrasser de ce fléau est de l’exploiter pour et par l’agriculture. La ville doit restituer à la campagne sous forme d’engrais l’équivalent de ce qu’elle en a reçu sous forme d’objets de consommation. Toute autre mesure que l’application directe des déjections humaines à la