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à un régime qui ne s’accommoderait pas d’équipages pittoresques. Quand, pour le coup d’œil, on a besoin de figurans basanés, il faut les faire venir de loin, ou se contenter des moins authentiques ; il n’y en a pas chez nous de tout portés.

Aussi y a-t-il eu des vides dans cette partie de l’exposition : ceux qu’on attendait ne sont pas venus, et peut-être en est-il venu sur lesquels on ne comptait pas. La plus belle collection de types appartient à la Suède et à la Norvège ; les costumes en sont frappans ; il est vrai que les figures sont en cire. Au naturel, on a quelques Arabes avec leurs chameaux et leurs dromadaires, des Russes et leurs chevaux des steppes, des Chinois et des Chinoises cloîtrés dans un pavillon, des Mexicains sur la plateforme d’un tombeau aztèque, des Égyptiens en nombre, enfin des virtuoses de Tunis qui donnent à un public mêlé l’échantillon d’un café-concert, tel qu’on les comprend en pays barbaresque. En somme, ces scènes récréatives font honneur aux cerveaux d’où elles sont sorties. On nous en promet d’autres ; rien ne coûtera pour attirer la foule quand toutes les idées sombres se seront évanouies. Les feux électriques verseront chaque soir des clartés telles que les moindres sentiers en seront inondés ; les phares seront tous en mouvement, les orchestres tous en branle ; sur le théâtre qui s’achève auront lieu des représentations dignes des visites royales qu’on nous annonce. Chaque jour alors sera un jour de liesse, et la commission se justifiera ainsi d’avoir ajouté à sa tâche régulière l’entreprise des menus plaisirs du public ; elle éblouira jusqu’à ceux qui l’accusent d’avoir dérogé. En même temps elle aura grossi ses recettes, rétabli l’équilibre dans son budget et soulagé ses associés bénévoles du souci des règlemens de comptes.

Ces petites querelles vidées, il convient pourtant de rendre aux ordonnateurs cette justice, qu’on s’accoutume aisément aux dispositions et aux embellissemens de leur local. Ce qui en plaît, c’est la liberté de mouvemens dont on y jouit. Dans les anciens palais, — c’est le nom convenu, — après s’être étouffé aux portes, il fallait à l’intérieur suivre les courans établis ou agir des coudes pour se frayer un passage. Au Champ de Mars, dès l’entrée, on a l’espace devant soi, trop d’espace, car on ne sait où aller. La foule, qui était une gêne, était aussi un guide ; ce guide manque ici. Au-delà des tourniquets, la dispersion commence ; chacun va où son caprice le porte, celui-ci vers le phare dont le pied baigne dans l’eau, celui-là vers le pavillon où la société des missions distribue généreusement ses bibles. On peut déjà, de l’avenue que bordent des mâts vénitiens, embrasser les constructions bariolées qui entourent le palais. Faut-il le dire ? l’effet en est tumultueux et irritant pour le