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arts ? Très avancée sur certains points, en retard sur d’autres. Au fond, il y a peu d’inventions, et les plus récentes sont d’un intérêt restreint ; mais les appareils qui datent de la seconde moitié du siècle, perfectionnés à l’envi, ont pénétré si avant dans l’usage, qu’au lieu de compter comme autrefois les établissemens qui en étaient munis, on en est venu en France à compter ceux qui en sont dépourvus : ces derniers sont rares, et sous peine de ruine ils seront obligés de franchir ce dernier pas. C’est au traité de commerce que l’on doit cette révolution dans un outillage longtemps stationnaire, et les circonstances ont voulu que l’industrie ait pu tirer de ses profits mêmes l’argent nécessaire pour le renouvellement de son matériel. Ainsi, dans la filature, une large place a été faite au méfier renvideur, admirable instrument qui, après avoir fourni sa course et rempli sa tâche de torsion et d’étirage, revient de lui-même et à l’aide du mécanisme le plus ingénieux à son point d’alimentation, sans l’effort musculaire du bras et du genou, comme cela avait lieu autrefois. Son nom le dit assez, le métier se renvide de lui-même. Il y a cinq ans encore, ce métier ne traitait que le coton, et dans les numéros inférieurs ; il traite aujourd’hui tous les numéros. La laine résistait à l’adoption de l’ingénieux appareil et ne s’y est prêtée qu’à la longue, par capitulations successives. Les fils de chaîne ont d’abord cédé, et après eux les meilleurs fils de trame : toute la filature peignée use aujourd’hui du renvideur. Dans le peignage, c’est l’ordre inverse ; la laine ouvre la marche, le coton suit ; pour la laine, tout ce qui ne va pus à la carde va au peigne ; pour les cotons, le peigne ne touche que les qualités destinées aux numéros fins. Pour cette série d’opérations, les instrumens mécaniques sont arrivés à un tel degré de perfection qu’ils règnent désormais sans partage ; il n’y a plus ni peignage, ni filature à la main.

Dans le tissage, les traditions ont encore un domaine réservé ; en tout comptant, il doit bien rester 400,000 métiers à bras distribués dans nos provinces, principalement dans les campagnes. L’existence de ces métiers est comme un prodige chaque jour renouvelé. Pour les travaux délicats, passe encore, la main y garde ses avantages ; mais un travail commun revient de droit à l’exécution automatique. Quelle illusion garder devant le calcul que voici ? Un métier mécanique produit en moyenne 1 kilogramme et 100 grammes de tissu par jour, et comme une femme peut en conduire deux, sa tâche équivaut à 2 kilogrammes et 200 grammes. Que produit l’ouvrier à bras dans le même temps ? 500 grammes tout au plus, moins du quart en quantité. Quant à la qualité, l’avantage serait plutôt pour l’agent mécanique, dont l’action est plus régulière, plus