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méthode qu’a suivie M. Dehérain et dont il a tiré de précieux résultats. Elle consiste à reproduire artificiellement les conditions : de la nutrition végétale. S’agit-il, par exemple, d’expliquer comment on trouve accumulées dans les feuilles et dans les écorces certaines substances, comme le carbonate de chaux et la silice, qui n’y forment point de combinaisons, M. Dehérain, en découvre la raison dans l’expérience suivante. Il place dans un verre une dissolution de sel marin et de bicarbonate de chaux, puis il dispose sur les bords du vase une série de bandelettes de tulle qui plongent en partie dans le liquide. Les deux sels montent par capillarité dans les bandelettes, l’acide carbonique se dégage, et le carbonate de chaux, n’étant plus soluble, se dépose ; de là nouvel appel de cette matière. Il n’en est, pas de même du sel marin qui se trouve bientôt dans les bandelettes en solution plus concentrée que dans le vase lui-même. Ainsi l’eau du vase, au bout de six heures, a perdu 62 pour 100 de bicarbonate de chaux et 27 pour 100 seulement de sel marin. Cette expérience donne la représentation de ce qui se passe dans la plante. Le carbonate de chaux et la silice puisés dans le sol montent par diffusion jusqu’aux feuilles, où l’acide carbonique s’évapore. Or ces matières sont solubles dans l’eau carbonatée, mais insolubles dans l’eau pure. Elles se déposent donc quand le gaz s’est évaporé, et s’accumulent par la continuation de cet effet à l’exclusion des autres sels charriés par la sève. Tous ces faits sont présentés avec une grande netteté par M. Dehérain, et son exposé est des plus attachans. En s’y reportant, on pourra voir, par un exemple brillant, l’intérêt que donne à son sujet un écrivain qui le possède à fond, et qui, sur les matières qu’il traite, a beaucoup plus de connaissances qu’il n’en veut donner à ses lecteurs.

On éprouve le même sentiment en lisant dans ce même volume l’article que le docteur Marey consacre a marquer le rang que la physiologie occupe dans la science contemporaine. Le docteur Marey appartient à cette jeune école de physiologistes qui savent également faire d’ingénieuses recherches et les exposer sous une forme saisissante. Les cours du collège de France, les conférences de la Sorbonne, ont mis en relief son talent de professeur. Son nom s’attache d’ailleurs à des travaux importans et à une sorte d’évolution qui se produit dans les méthodes d’investigation de la physiologie. Si l’on cherche dans le passé comment la science a abordé l’étude des phénomènes vitaux, on reconnaîtra qu’elle s’est attachée dans l’origine à la forme des organes et qu’elle s’est efforcée d’en tirer des inductions sur leur usage probable. L’insuffisance de cette méthode fut bientôt reconnue ; on comprit qu’il fallait surprendre le jeu des organes, les étudier pendant leur fonction même, on en vint ainsi aux vivisections. C’est en ouvrant des animaux vivans qu’Harvey put vérifier ses idées sur la circulation du sang, que Magendie et Bell purent reconnaître les origines distinctes des nerfs sensitifs et des nerfs moteurs. C’est aux vivisections que