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M. Claude Bernard dut la plupart de ses découvertes. Toutefois ce procédé d’expérience n’est pas lui-même à l’abri de tout reproche. Il est cruel d’abord : Dieu sait combien de chiens et de lapins ont été torturés pour telle ou telle recherche. En second lieu, il laisse planer dans beaucoup de cas une certaine défiance sur les résultats auxquels il conduit. Est-on toujours sûr de pouvoir appliquer à l’animal sain les conclusions qu’a fournies l’examen d’un animal blessé ? Et puis c’est l’homme qu’il importe surtout de connaître ; or la vivisection ne peut pas l’atteindre directement. Pour toutes ces raisons, un mouvement se manifeste dans les procédés de recherche physiologique ; au règne du scalpel et des mutilations succède celui d’instrumens délicats appropriés à des études plus exactes et applicables directement au corps humain. M. Marey peut prétendre, pour une bonne part, à l’honneur d’avoir inauguré ces recherches en France ; il leur a, dans tous les cas, donné une vive impulsion. Ce sont les mouvemens vitaux, que M. Marey s’attache à examiner et à suivre dans leurs détails les plus déliés. La vie en somme, c’est le mouvement ; l’immobilité absolue est le signe de la mort. Rien n’est immobile dans l’organisme vivant. Nous ne parlons pas seulement des mouvemens respiratoires, des battemens du cœur et des artères, de la circulation du sang dans les organes ; mais les tissus glandulaires et les conduits des glandes, l’intestin, le foie, la rate, les reins, tout se resserre ou s’étend constamment. Ces mouvemens affectent en chaque point et dans chaque cas des formes spéciales, et ce sont leurs particularités, infiniment compliquées que les physiologistes étudient maintenant avec succès à l’aide d’appareils enregistreurs d’une exquise sensibilité. Des pointes mobiles, guidées par les organes humains eux-mêmes, inscrivent sur le papier toutes les circonstances, les phases, les dimensions des mouvemens vitaux. Ainsi commence à se former un réseau d’indications dont la science a déjà tiré d’utiles enseignemens, bien qu’il soit à peine ébauché. Helmholtz avait appliqué la méthode graphique à des recherches sur la contraction musculaire et sur la vitesse de transmission, des phénomènes nerveux ; M. Marey a repris les essais du physiologiste allemand. Les battemens de cœur, les mouvemens respiratoires, lui ont fourni d’ailleurs d’intéressans objets d’étude. L’ensemble de ces travaux inaugure, nous nous plaisons à le répéter, une sorte d’évolution dans les études biologiques, et ouvre aux explorateurs un champ nouveau.

Nous sommes loin d’avoir épuisé les sujets sur lesquels nous renseigne l’Annuaire scientifique de M. Dehérain. Ce livre ne pouvait manquer de contenir un article sur l’établissement du télégraphe anglo-américain, et, un autre sur les armes à feu portatives. Le câble transatlantique et le fusil à aiguille, tels sont, dans les sciences appliquées, les deux principaux sujets d’étude que nous présente l’année 1866. L’œuvre de paix et l’œuvre de guerre ! C’est une de ces antithèses où éclate quelquefois l’ironie des choses. On prétend du reste qu’à force de perfectionner leurs engins de destruction