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on n’a d’autre moyen que de changer les registres, d’employer tantôt les plus retentissans, les plus timbrés, tantôt les plus doux et les plus voilés. L’organiste rencontre donc des difficultés toutes spéciales dans le jeu expressif ; il ne peut modifier l’accent que par saccades discontinues : aussi l’orgue ne convient-il pas comme les instrumens à cordes à certaine musique passionnée, qui berce la sensibilité musicale, la caresse et l’enveloppe d’entrelacemens souples et pour ainsi dire vivans. En revanche quelle majesté ne donne point à son jeu la plénitude de ses notes, qui, tant qu’elles sont tenues, conservent la même puissance ! Comme ces voix mâles, résolues, patientes, où l’on ne sent jamais l’émotion de l’homme, conviennent bien à une musique austère, qui ne cherche ses effets que dans les savantes combinaisons de l’harmonie ! Le caractère impersonnel de l’orgue en fait l’instrument religieux par excellence ; il y a quelque chose de plus implacable dans ses rugissemens et ses tonnerres que dans ceux d’un orchestre ordinaire, et dans les mélodies les plus douces et les plus tendres on sent je ne sais quelle sérénité, quel détachement de la passion humaine ; le trouble devient terreur, le plaisir extase. Raphaël voulant peindre la musique sacrée montre sainte Cécile offrant au ciel un petit jeu d’orgue qu’elle tient entre les mains : à ses pieds gisent en désordre et demi-brisés les instrumens de la musique profane, violes sans cordes, tambours de basque, triangles, tambourins.

Dans les instrumens à anche, les vibrations sont produites par une petite languette qui frémit sous le courant d’air venant d’une soufflerie ou des poumons. On use de ce moyen dans certains registres d’orgue, dans l’harmonium, dans la clarinette, le hautbois, le basson. Les lèvres humaines fonctionnent elles-mêmes comme anches membraneuses sur le cor, le trombone, l’ophicléide et en général sur les instrumens en cuivre. Ce qui caractérise le son dans ces derniers instrumens, c’est l’intensité des harmoniques les plus aiguës ; de là vient qu’ils ont un timbre dur, criard et perçant. On pourrait appeler les cuivres les instrumens de la dissonance : aussi ne doit-on les employer que dans un orchestre ; ils sont condamnés à un rôle accessoire, et il faut se garder de les y faire prédominer. En résumé, le musicien veut-il un son mou, sans force, pauvre en harmoniques, il a la flûte. Veut-il des sons musicaux pleins, mais clairs et encore amollis, il a le piano, les tuyaux d’orgue ouverts, certaines notes du cor. Veut-il un son creux, qui résulte de l’isolement des harmoniques impaires, il a les tuyaux d’orgue couverts. Veut-il un son nasal, où il n’y a de même que des harmoniques impaires, mais où dominent les plus aiguës, il a la clarinette. Veut-il des sons expressifs, perçans, riches, il a les instrumens