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à cordes, le hautbois, le basson. Veut-il enfin des sons aigus, durs et retentissans, il n’a qu’à choisir parmi les instrumens de cuivre.


III

Occupons-nous enfin de l’instrument par excellence, de la voix humaine : l’étude en a été singulièrement facilitée par le miroir laryngien ou laryngoscope, instrument perfectionné et vulgarisé par un physiologiste, M. Czermak. Ce petit appareil permet de regarder à l’aise dans l’arrière-bouche et d’apercevoir les vibrations qui accompagnent la parole. Les ligamens vocaux agissent à la façon de deux lèvres membraneuses qui, en se fermant et s’entr’ouvrant rapidement, produisent un son, et la chambre résonnante de la bouche ne fait qu’enfler les notes chantées par le larynx. L’anche du larynx, jouissant d’une merveilleuse contractilité, a sur celle des instrumens ordinaires le privilège de pouvoir donner une immense variété de sons. Le mouvement discontinu de l’anche, qui ferme et ouvre alternativement le passage de l’air, se prête d’une façon toute spéciale au développement des harmoniques, et dans le bruit perçant d’une anche libre métallique vibrante l’oreille armée de résonnateurs peut en discerner jusqu’à vingt. Dans une belle voix humaine, il y a une richesse d’harmoniques incroyable. Le son et le timbre d’un instrument à anche sont nécessairement modifiés par la colonne d’air à laquelle se communiquent les mouvemens de la languette. Cette masse d’air agit comme un véritable résonnateur qui enfle certaines notes de l’anche au détriment des autres. Il faut donc considérer l’instrument de la voix humaine comme une anche à note variable, complétée par un résonnateur à résonnance variable. La glotte est l’anche, la bouche le résonnateur. Il est impossible d’imaginer un appareil plus ingénieux, qui montre mieux à quel point les œuvres de la vie dépassent et humilient toujours celles de l’industrie humaine. Tandis que la glotte frémissante chante sur tous les tons de l’échelle musicale, la bouche et la langue docilement se contractent, s’enflent, se creusent, se modèlent, de façon à faire résonner inégalement les harmoniques, et à donner ainsi au son total les timbres les plus différens. À ces timbres, bien autrement distincts que ceux qu’on obtient par des artifices divers du même instrument de musique, on donne le nom de voyelles. Tel chœur d’harmoniques est a, tel autre o, un troisième i ; les diphthongues qui permettent de passer des unes aux autres par des gradations sans fin ne sont autre chose que des combinaisons intermédiaires.

Cette théorie des voyelles, qui a été proposée pour la première