Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fois par le physicien anglais Wheatstone et que M. Helmholtz a mise au-dessus de toute contestation, présente à l’esprit je ne sais quoi de singulier qui d’abord choque l’esprit. Cela tient à ce que la voix humaine est, de tous les sons, celui que nous sommes le moins habitués à analyser. Il ne nous vient jamais à l’esprit de considérer une émission de voix autrement que comme une chose simple ; nous sommes trop habitués à l’écouter avec d’autres préoccupations que les sons ordinaires ; pour nous, la voix a une valeur symbolique, représentative, une expression qui en déguise la nature purement matérielle. Aussi, malgré l’extrême complexité harmonique de la voix humaine, elle se dérobe à l’analyse plus que les sons de tout autre instrument, et les résonnateurs artificiels sont ici particulièrement nécessaires. La richesse de la voix dépend, on le comprend aisément, de l’état de la glotte et surtout de la fermeture plus ou moins hermétique de cet orifice. Le moindre rhume irrite les lèvres de l’anche et altère la qualité des sons. À une glotte qui ferme mal correspond une voix terne, sourde, pauvre ; quand les ligamens vocaux débordent et battent l’un contre l’autre, le timbre devient dur et rauque. Un infiniment petit fait ces voix enchanteresses dont le charme victorieux nous procure de si vives jouissances.

Au moment où la voix naît sur les lèvres tremblantes de la glotte, elle se compose d’une série de vibrations accordées sur une longue série d’harmoniques. Si rien ne la modifiait, les notes supérieures diminueraient graduellement d’intensité en s’écartant de la note fondamentale, : et c’est bien ce qui arrive à peu près lorsqu’on chante la bouche grande ouverte, et que par conséquent le résonnateur buccal agit avec le moins d’efficacité ; mais quand on diminue l’orifice de ce résonnateur et qu’on en modifie la forme, soit à l’aide des lèvres, soit à l’aide de la langue, il se produit une véritable sélection parmi les harmoniques ; celles dont la vibration peut s’accorder avec les dimensions nouvelles du résonnateur s’accusent fortement, les autres sont étouffées, et c’est ainsi qu’est modifié le timbre de la voix. Le professeur de philosophie de M. Jourdain n’était pas si sot quand il expliquait doctement à son élève étonné de quelle façon il faut remuer la bouche et la langue pour prononcer les diverses voyelles.

Il n’est pas difficile de découvrir quelles sont les vibrations appropriées au résonnateur humain dans les diverses formes qu’il peut prendre, et il importait de le chercher pour savoir quelles sont les notes qui donnent, qu’on me permette le mot, la couleur aux diverses voyelles. Tenez un diapason vibrant devant la bouche, et il résonnera plus fort quand la vibration buccale sera d’accord avec