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dans l’histoire du peuple d’Israël une certaine classe d’hommes qu’on appelle les prophètes, et dans le Canon ou recueil sacré des Juifs un certain nombre de livres dits prophétiques. Tous les prophètes mentionnés dans l’histoire ne se retrouvent pas, tant s’en faut, parmi les auteurs des livres prophétiques. Ceux-ci se divisent à leur tour en grands et petits prophètes (prophetœ majores, prophetœ minores). La tradition range parmi les premiers Ésaïe"[1], Jérémie et Ézéchiel. Les versions modernes leur adjoignent Daniel ; toutefois dans le canon hébreu le livre de Daniel faisait très justement partie des hagiographes. Les petits prophètes doivent uniquement ce nom à la moindre étendue des écrits qui leur sont attribués : ce sont Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahüm, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. On suit ici, en reproduisant ces noms, la coutume établie. Les noms originaux n’offrent souvent qu’une ressemblance assez éloignée avec les noms français.

Il y a donc lieu de distinguer, quand on parle des prophètes d’Israël, leur rôle historique, leur action directe et prolongée sur les destinées de leur peuple, et leurs écrits, qui font aujourd’hui partie du recueil sacré du monde juif et chrétien. Il y a là deux sources d’information qui s’éclairent et se rectifient mutuellement ; mais évidemment la seconde, les écrits des prophètes eux-mêmes, nous met bien plus que la première en face de la réalité qu’il s’agit d’étudier, Si nous connaissions du prophétisme seulement ce que les chroniques nous racontent des prophètes, il nous serait fort difficile d’en tirer autre chose que des notions confuses et même contradictoires. Le malheur est que l’opinion commune n’est guère fondée que sur ces notions vagues. En particulier on ne comprendrait jamais la puissance morale du prophétisme en Israël, cette puissance qu’on ne saurait exagérer, car de tous les éléments combinés dans l’histoire du peuple hébreu le prophétisme est sans contredit le plus original et le plus vigoureux. À plusieurs reprises, il sauve ce peuple d’une ruine qui, sans lui, eût été irrémédiable, et d’après Jésus lui-même l’Évangile est l’accomplissement, le fruit suprême du prophétisme.

En disant que le christianisme est l’accomplissement des prophéties, on oublie le plus souvent cette filiation spirituelle pour ne penser qu’à un rapport plus merveilleux et moins rationnel, On entend ordinairement par là que Jésus et l’église chrétienne ont

  1. On dit aussi très souvent Isaïe : le mot hébreu Jesahiahou, la traduction grecque de ce nom, Èsaias, se prêtent aussi bien à l’une qu’à l’autre leçon ; mais il faut préférer Ésaïe pour distinguer ce prophète d’un autre personnage également très connu dans l’histoire sainte, Isaï, père du roi David.