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augural, la fonction des aruspices, le discernement des présages visibles, pestent en faveur, recherchés même par les classes éclairées qui n’y croient guère, respectés comme institutions de l’état. L’astrologie, si populaire aux derniers temps du paganisme, est le raffinement suprême de cette divination fondée sur le sentiment de la connexion des choses. Les astres présidant à tant d’événement terrestres, au jour, à la nuit, aux saisons, aux semailles, aux moissons, etc., il parut tout naturel de croire que la destinée humaine leur était aussi subordonnée. Le malheur du prophétisme grec, c’est qu’il resta purement utilitaire, exclusivement consacré au service des intérêts égoïstes et vulgaires. L’élément moral qui aurait dû l’élever lui fit défaut, la sincérité ne tarda pas à lui manquer, et quand une fois la raison fut assez éclairée pour en découvrir les défectuosités, il n’eut plus d’autre appui que la superstition, En fait, il n’en est sorti rien de bon pour l’humanité.

Il est vrai que le polythéisme auquel le prophétisme grec se rattachait étroitement ne pouvait le rendre meilleur qu’il n’était lui-même ; non pas que je ferme les yeux sur les côtés moraux du vieux polythéisme, il en eut, et on a tort de les oublier comme on le fait si souvent quand on le compare avec le christianisme ; mais n’allons pas commettre l’erreur des critiques trop prompts à conclure qui, prenant l’accident pour la substance, veulent à tout pris que le vieux paganisme fût une religion profondément sanctifiante. L’essence, le principe d’une religion se révèle dans son histoire. Plus le temps marche, moins l’influence morale du polythéisme fut heureuse. Au contraire le monothéisme d’Israël, religion essentiellement morale et qui le devint toujours plus à mesure qu’elle vieillit, fournit au prophétisme éclos à son ombre les élémens d’épuration et de spiritualité qui manquèrent à la divination païenne. Sans doute le prophétisme hébreu devait disparaître à son tour, ne pouvant survivre aux conditions historiques de son existence ; mais, quand il disparut, il avait fait son œuvre et avait pris rang parmi les facteurs du progrès humain.

Si nous remontons à ses origines propres, rien au premier abord ne le distingue foncièrement de la vaticination païenne. Le mot de prophète, avec son sens primitif d’interprète de la parole divine, est, comme nous l’avons vu, d’origine grecque et nous vient de la version alexandrine des Septante. Les noms hébreux qui servent à désigner les prophètes sont plus significatifs. Le peuple les appelle, les voyans parce qu’il leur attribue une pénétration particulière, une acuité de vision et de prévision qui leur permet de discerner ce qui reste caché aux yeux vulgaires. Ou bien, et c’est là en quelque sorte le nom officiel, ou appelle le prophète nâbi, mot qui, par