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Babylone et refont un peuple de fidèles au souffle de leur âme brûlante. Il n’est pas possible de se figurer une pareille opiniâtreté dans l’espérance. Ces gens-là n’espèrent jamais plus que le jour où tout paraît perdu. Au fait, c’est le secret et la force du vrai génie religieux. Pour l’homme religieux, le désespoir n’est autre chose qu’une manière de nier Dieu.

Cependant les années se passent. Bien des exilés ont perdu courage et patience. Une minorité seule a persisté à croire en la restauration de la vieille patrie, et elle a eu raison. Un nouvel empire se lève, s’arrondit aux dépens des monarchies voisines, et enfin les Médo-Perses, commandés par Cyrus, viennent assiéger l’orgueilleuse Babylone. Le bon sens conseillait à Cyrus d’affermir son pouvoir naissant en s’appuyant sur ces populations que les rois de Ninive et de Babylone avaient transportées malgré elles à l’intérieur de leur empire. La reconnaissance lui fit peut-être un devoir de favoriser ces Juifs opiniâtres, qui lui avaient certainement rendu plus d’un service dans ses campagnes de Chaldée. Ses vues ultérieures sur l’Égypte, perpétuel point de mire des conquérans asiatiques, s’accordaient parfaitement avec la constitution, sur la frontière même du pays convoité, d’un état vassal, attaché à sa maison par la gratitude et la nécessité. Bref, l’édit qui permettait aux Juifs de retourner en Palestine suivit de près la chute de Babylone.

Nous arrivons maintenant aux prophètes de la dernière époque, de la période perse, Aggée, Jonas ou plutôt l’auteur du livre de ce nom, Zacharie III, Malachie et quelques autres moins connus ; mais ce ne sont plus que les épigones des grands virtuoses des époques antérieures. Plus ou du moins très peu de poésie, une orthodoxie étroite, un retour méticuleux à l’observance des formes sacerdotales dont les anciens prophètes étaient si indépendans, la forme prophétique adaptée comme un vêtement banal à des enseignemens qui auraient bien pu s’en passer, voilà, sauf de rares exceptions, le caractère de ces derniers échos du prophétisme d’Israël. Quand plus tard, lors de l’insurrection provoquée par la tyrannie d’Antiochus Épiphane, au souffle de la renaissance patriotique dont les Macchabées furent les héros, l’esprit prophétique sembla un instant ressusciter, il manqua totalement d’originalité. L’idée que les voyans n’étaient autre chose que des annonciateurs miraculeusement exacts de l’avenir inconnu était déjà consacrée, et l’auteur du livre de Daniel, au lieu de parler directement à ses contemporains de leur situation et de leurs devoirs, crut nécessaire de s’abriter sous le nom d’un nâbi du temps de la captivité et d’antidater ainsi, au prix de graves erreurs historiques, ses propres expériences et son espoir de l’établissement prochain d’un grand empire juif. Le vrai prophétisme