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éclaircissemens que l’on peut désormais puiser dans une autre mine récemment ouverte de documens historiques, j’entends les inscriptions ninivites et babyloniennes, dont le déchiffrement préoccupe si justement les orientalistes, et qui pour une grande partie sont contemporaines de la belle époque du prophétisme hébreu.

Si l’importance historique des prophètes d’Israël a beaucoup gagné à cette réduction de leur œuvre à des proportions humaines et naturelles, leur valeur religieuse n’a pas diminué, loin de là. Nous comprenons aujourd’hui pourquoi et dans quel sens Jésus et sa religion se rattachent si intimement au prophétisme. Il suffit de prolonger les lignes générales de la pensée des prophètes et de purifier leur prédication des élémens égoïstes, exclusivement nationaux, entachés d’étroitesse et de passion vindicative, pour arriver tout au bord de la religion, non plus nationale, mais humaine, du Fils de l’homme. L’opposition au formalisme sacerdotal, la supériorité de la loi morale sur la loi cérémonielle, le souci des petits et des pauvres, l’idée que ce qu’il y a de meilleur dans la foi, c’est l’espoir en Dieu, la beauté souveraine du dévouement, le sentiment de la solidarité universelle, tous ces élémens de la prédication évangélique se trouvent au moins en germe chez les prophètes, parfois même ils sont énoncés en termes très clairs, au point qu’il ne leur manque plus qu’une impulsion suffisante pour être lancés à travers le monde. La puissance et l’élévation du génie religieux de Jésus lui ont permis de s’assimiler avec une sûreté de tact merveilleuse ce qui dans les prophéties était strictement humain, en éliminant le reste, et il les a accomplies, amenées à terme de cette manière, tout en communiquant à ces pures inspirations du vieil esprit d’Israël la vertu contagieuse qui leur manquait. C’est ainsi que l’histoire, à mesure qu’elle est mieux étudiée, révèle de plus en plus les deux grandes lois de continuité et de progrès qui la dominent. Rien ne sort de rien, et l’imperfection présente porte toujours dans son sein les promesses de la perfection à venir.


ALBERT REVILLE.