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Simon Goille, trésorier des édifices et bâtimens du roi, qu’elle adressait directement les mémoires de ses ouvriers, dans la louable intention sans doute d’épargner à l’argent du trésor des circuits inutiles. Tout cela assurément ne manque pas d’intérêt ; mais dans la vie d’un chevalier errant qu’importe le temps qu’il passe à se reposer ? Ce que nous voulons de Chenonceau, ce sont ses aventures, ses destins agités et vagabonds. Sautons donc par-delà ces années de calme et de mollesse où, reprenant haleine et profitant du ricochet de la faveur royale, le bon château s’engraissa tout doucement de l’argent des contribuables.

Nous voici au 10 juillet 1559 ; Henri II est à l’agonie et avec lui la toute-puissance de sa maîtresse. Du jour au lendemain, voilà Diane sans pouvoir, sans honneurs, sans amis. Ce sont revers de favorites. Elle du moins, elle avait pris ses mesures pour ne pas rester sans fortune ; mais cette fortune même, résultat de sa prévoyance et de son labeur, — ce mot est d’elle dans son testament, — cette fortune la conservera-t-elle ? Déjà Catherine s’est fait restituer au nom de la couronne les joyaux que Henri II avait donnés à sa maîtresse ; Catherine s’en tiendra-t-elle là ? Sa haine, pour si peu, sera-t-elle satisfaite ?

Diane était à coup sûr perdue, si Catherine avait été dès les premiers momens ce personnage tout d’une pièce qu’on nous présente sous son nom. Pour en faire plus à leur aise le type de la femme politique, les historiens ont longtemps confondu à plaisir la régente de 1560 avec la reine-mère de 1559. À quelque moment de sa vie qu’ils nous la montrent, c’est une souveraine omnipotente, dirigeant tout d’une main habile et expérimentée. Telle n’est point Catherine au lendemain de la mort de Henri II. Elle n’a ni la toute-puissance, ni l’expérience suprêmes. Autour d’elle, que d’ennemis, que de factions ! Les Guise, les princes du sang, le connétable. En elle, que d’hésitations, que de timidité, malgré tout son génie politique ! Elle se sent entourée de dangers, elle se défie de ses forces ; la circonspection chez elle l’emporte sur tout autre sentiment. Mettez pour un moment Diane à la place de Catherine : Diane se jettera avidement sur le pouvoir ; elle se vengera bruyamment, elle affichera son triomphe sans s’inquiéter des conséquences. Catherine, elle aussi, a des haines vigoureuses ; mais elle sait les sacrifier à son ambition. Avant tout, elle craint de compromettre son autorité naissante. La prévoyance, la dissimulation, la temporisation, voilà le fond de sa nature : on l’a dit et répété jusqu’à en faire une banalité de l’histoire, mais cela est aussi vrai que banal. Voyez plutôt quelle comédie elle joue à la mort de son mari : voyez-la se noyer dans des flots de larmes et de crêpes ! Quand le petit roi François, tout écrasé de