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L'ALLEMAGNE
DEPUIS LA GUERRE DE 1866

II.
LE SOL DE LA PRUSSE ET LA CONSTITUTION DE LA PROPRIETE[1].

De tous les grands états européens, il n’y en a point qui aient été moins favorisés par la nature que la Prusse. Le roi de Hanovre appelait Frédéric à l’archi-sablier de l’Allemagne, et Frédéric lui-même ne se faisait pas faute de plaisanter sur les sables du Brandebourg. Quand on traverse la Prusse dans sa grande longueur, depuis le Rhin jusqu’à Königsberg ou Gumbinnen, l’aspect du pays est d’une monotonie désolante et dénonce la pauvreté native du sol. Presque partout domine la céréale des terres arides, le seigle, qui est même généralement petit et maigre. Des bruyères, des plaines de sable aussi nues, aussi désolées que celles du désert, attristent le regard et s’avancent jusqu’aux environs de la capitale ; puis viennent des eaux dormantes, des étangs mélancoliques qu’entourent des bois clair-semés de sapins mal venus, des tourbières, des marais, et à l’horizon les silhouettes transparentes de quelques bouleaux rabougris. La plupart du temps, un ciel gris laisse filtrer sur ce morne paysage une lumière blafarde. L’ennui vous saisit en le traversant ; on hâte de ses vœux le vol rapide de la locomotive. La nuit arrive, et toujours s’étend à l’infini la même plaine uniforme. Le lendemain,

  1. Voyez le premier article de cette série dans la Revue du 15 février.