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Les matières de l’enseignement primaire sont les mêmes que dans la plupart des pays de l’Europe : — le catéchisme, la grammaire, la calligraphie, et dans une mesure appropriée à de jeunes enfans l’histoire sainte, l’histoire nationale, la géographie, l’arithmétique et la musique sacrée ; mais, contrairement à ce qui se fait ailleurs, en France, en Angleterre et en Allemagne notamment, l’enseignement ne s’arrête pas à ces premières notions, il se poursuit dans le même établissement jusqu’à un degré supérieur. L’instruction secondaire comprend la littérature, les sciences, la langue arménienne ancienne, qui est comme le latin pour un Européen, et le français. L’étude de l’anglais avait été introduite dans l’école de Samathia, qui prospérait sous le patronage d’une société spéciale, dans le faubourg de ce nom à Constantinople, lorsqu’elle fut détruite par un incendie en 1866.

L’enseignement primaire a éprouvé le même sort chez les Arméniens que dans toutes les contrées de l’Europe ; ce n’est que tardivement qu’ils s’en sont occupés sérieusement. Ils n’ont pas lieu d’être trop humiliés de ce retard, qui a son explication et son excuse dans les difficultés et les embarras de leur position mal définie autrefois. N’y a-t-il pas des pays qui, placés dans des conditions bien autrement favorables, ont longtemps attendu avant de comprendre l’importance de l’enseignement populaire, avant de lui donner une part dans le budget de l’état et d’en favoriser la propagation ? On doit se rappeler qu’en France même il n’a été véritablement inauguré que sous la royauté de juillet.

Dans la communauté arménienne, ce n’est qu’à partir de 1844 que l’instruction publique a pris un essor décisif. Le nombre des écoles de garçons et de filles fut beaucoup augmenté, et toutes furent gratuites comme par le passé. Le principe de la gratuité de l’enseignement scolaire est né tout naturellement, et n’a jamais soulevé un doute ou une réclamation. Pour une société vraiment chrétienne, une des premières obligations à remplir, un devoir que les Arméniens comprennent parfaitement, c’est de distribuer la nourriture de l’esprit et de l’âme à ceux qui n’ont reçu du créateur et n’ont en partage dans ce monde d’autres biens que les dons de l’intelligence. Rien de plus simple que la manière adoptée pour subvenir à l’entretien de ces écoles ; chaque paroisse s’ingénie à se procurer les ressources nécessaires au moyen de quêtes faites à l’église, et nul, même le plus pauvre, ne refuse son offrande. Malheureusement ces ressources dues à la charité individuelle ne suffisent pas toujours. L’expérience a démontré que de pareils établissemens ne peuvent se soutenir sans être dotés d’un revenu fixe et régulier C’est pour cette raison que le lycée de Scutari, quoique patronné par