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nationalité, c’est à la religion qu’ils en sont redevables. Avec la foi chrétienne, ils ont gardé leur langue, leurs mœurs, leurs traditions, et nulle part ils n’ont disparu, absorbés, comme tant d’autres populations, dans le milieu où ils vivent. À cette force de vitalité, que les siècles n’ont pu affaiblir, l’Arménien joint une aptitude décidée pour l’industrie et le commerce. Le négoce de l’Asie occidentale est entre ses mains ; il voyage beaucoup, et ses relations sont très étendues. Il peut devenir un intermédiaire entre l’Asie et l’Europe, et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, l’agent conducteur de la civilisation occidentale. Non, il n’est pas exact de dire, comme on l’a répété si souvent en Europe, que l’Orient est condamné à une irrémédiable léthargie, à une éternelle immobilité. M. le baron de Haxthausen, qui naguère parcourait les régions du Caucase, affirme que les Arméniens sont le seul peuple chrétien de la Turquie capable d’une organisation sociale. Le savant voyageur n’a point exagéré la bonne opinion qu’ils méritent, mais il a été injuste, sans le vouloir, envers les autres familles, chrétiennes ou musulmanes, dont les Arméniens sont entourés. Si l’on étudie avec attention toutes ces races l’une après l’autre, Osmanlis, Turcomans, Kurdes, Grecs, Maronites, Druses, etc., on reconnaîtra que toutes ont leurs qualités particulières qui sommeillent encore, mais que l’éducation peut réveiller et faire converger vers la prospérité générale. Que celles de ces nations qui ont entrepris de sages réformes persévèrent dans la vole qu’elles se sont ouverte, que les autres y entrent à leur tour. Les obstacles, ne leur viendront pas d’un gouvernement animé d’intentions libérales, qui a su déjà les mettre en pratique, et qui est sûr d’obtenir des Arméniens un concours aussi intelligent que dévoué.


MEK.-B. DADIAN.