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des Titans pouvait donc être représentée dans ce vaste tableau de l’âge héroïque où apparaissaient toutes les peuplades de la Grèce européenne et des îles.

Toutefois, en dehors de cet épisode détaché, c’est toujours un Olympe asiatique que désignent clairement dans l’Iliade les rapports entre les dieux et les combattans. Les premiers passent sans cesse de l’Olympe à l’Ida, et remontent de l’Ida à l’Olympe. Nulle part il n’est dit qu’ils aient franchi les flots ou même passé d’abord au-dessus de la plaine de Troie. Thétis, quittant sur la rive troyenne Achille qu’elle est venue consoler, ordonne aux nymphes, ses compagnes, de rentrer dans les profondeurs de la mer, tandis qu’elle-même montera sur l’Olympe vers les forges de Vulcain ; mais lorsqu’elle redescendit de la montagne divine vers Troie, elle était accompagnée des premières lueurs du jour nouveau. Elle venait donc de l’orient. A plusieurs reprises, le poète dit expressément que l’aurore se leva sur le séjour des dieux d’abord, puis sur les hommes. C’est au moment où elle verse sur l’Olympe ses rayons dorés qu’Agamemnon, éveillé aux premières blancheurs de l’aube, assemble les chefs de l’armée. Il est par conséquent impossible de placer l’Olympe homérique en Europe, c’est-à-dire à l’occident, puisque, pour les Grecs campés autour de Troie, la lumière découle chaque matin de la montagne sacrée sur le monde de l’humanité.

D’ailleurs c’est toujours en Asie-Mineure, et particulièrement vers la région de l’Olympe de Constantinople, que nous reportent les plus vieilles traditions helléniques. Prométhée, le grand ancêtre des Grecs, avait pour mère ou pour épouse Asia : le Caucase de Prométhée, au sud de la mer Caspienne, qu’il ne faut pas confondre avec le Caucase russe actuel, marque la limite extrême de leurs plus lointains souvenirs. Les légendes des Amazones, de Bellérophon et d’Hercule sont échelonnées le long des côtes méridionales du Pont-Euxin. L’expédition merveilleuse des Argonautes se développe sur les rives de l’Hellespont et de la Propontide : elle s’arrête à loisir dans la Mysie et la Bithynie. Hylas, le favori d’Hercule, est enlevé dans l’Olympe par les nymphes de Diane, et jusqu’au temps de Strabon l’antique ville de Brousse célébra par une bacchanale la mémoire de cet événement. Enfin les aventuriers remontèrent le Bosphore, où Orphée fixa par ses chants les roches Cyanées, alors mouvantes, et que l’on voit encore au-delà de Yeni-Mahalé, à l’entrée de la Mer-Noire.

Les contrées qui forment le bassin de la mer de Marmara furent aussi un foyer primitif de traditions sacrées. On sait que le Jupiter hellénique, le Zeus homérique, dont Phidias inventa la forme dernière et parfaite, ne vint pas de la Grèce du nord, de la Thessalie ou de l’Épire, qui ne connurent jamais que le Jupiter informe et