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qui arracha l’Ossa de l’Olympe et ouvrit un passage au Pénée à travers les ruines des deux montagnes. L’Olympe de Thessalie porte, de sa base à sa plus haute cime, les traces profondes des révolutions géologiques auxquelles il dut sa redoutable illustration. Les roches brisées, déchirées, s’amoncellent au fond des précipices ; en plus d’un endroit, la montagne est fendue, comme foudroyée ; vers le sommet s’ouvre un large amphithéâtre de masses de granit coupées à pic, d’où monte un rocher énorme, de figure étrange. Le jour de cette grande convulsion, que les géologues ont désignée sous le nom de soulèvement du Ténare, l’Olympe, sur les flancs duquel roulaient et retentissaient les rochers bondissant dans la lave rouge, fut véritablement un lieu divin. Là se tenaient les alliés de Jupiter avec leurs cinquante têtes et leurs cent bras, arrachant les entrailles de marbre de la montagne. En face, au-delà de Tempé, les Titans se pressaient sur le Pélion et l’Ossa, qui, poussés en avant par les forces volcaniques, montaient comme une marée prodigieuse à l’assaut de l’Olympe. La lutte fut désordonnée et immense : les éclairs célestes allumaient au loin sur les vagues furieuses de la mer des lueurs sinistres ; mais quand Jupiter eut brûlé de sa foudre la dernière tête du dernier monstre, la nature était pacifiée, et les bruits du combat s’éteignirent autour du trône des dieux olympiens.

Cet Olympe d’Hésiode n’est pas celui d’Homère, bien qu’il reparaisse dans les deux épopées et dans les hymnes homériques. Il est indiqué avec une précision parfaite, au chant XIV de l’Iliade, par la route même que suit Junon pour rejoindre Jupiter sur l’Ida, en passant au-dessus de la Piérie, de la Thrace, du mont Athos et de l’île de Lemnos. Nous croyons néanmoins que c’est en Asie-Mineure et à l’orient de la Troade qu’il faut chercher le véritable séjour des dieux de l’Iliade. Il y a donc dans Homère deux Olympes distincts ? Cette conclusion n’a rien qui puisse étonner depuis que la critique ne le considère plus comme un personnage individuel et historique, mais seulement comme l’expression impersonnelle du génie de la Grèce héroïque. Au temps de la guerre de Troie, lorsque la Grèce se reporta vers cette Asie-Mineure d’où elle était sortie, Thèbes, Sparte, Argos, Athènes, étaient déjà florissantes. Chaque vallée, chaque montagne avait son histoire religieuse. Les cultes locaux s’organisaient. Un grand nombre de traditions originales passèrent avec les flottilles d’Ulysse et d’Agamemnon sur les côtes d’Éolie et d’Ionie, où plus tard elles se mêlèrent naturellement, dans cette Grèce asiatique, aux rhapsodies des homérides. La présence de l’Olympe thessalien dans l’Iliade et l’Odyssée est un signe de ce mélange. La montagne où avait eu lieu la guerre