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peut être assurée qu’il nous a été plus désagréable de lui opposer ce refus qu’à elle de le recevoir Quant à la persuasion où est votre majesté de l’existence de personnes qui se sont démasquées pendant ces trois derniers mois parce que la force de la coalition les enhardissait à changer de sentimens envers votre majesté, nous pouvons lui affirmer que ces personnes n’existent pas. Si elles existaient, jamais nous ne les écouterions. Nous ne saurions cachera votre majesté la peine que nous ressentons en découvrant que tant de preuves d’une si sincère amitié et les marques si multipliées que nous lui avons prodiguées de notre véritable affection n’ont pas suffi à lui faire comprendre à quel point il est impossible que de pareilles manœuvres, si elles venaient à se produire, pussent jamais faire sur nous la moindre impression[1]. »

Non content d’avoir ainsi doucement repoussé les reproches immérités de l’empereur Napoléon, Pie VII, comme s’il avait dessein de montrer clairement jusqu’où allait sa candide ingénuité, ne craignait pas de faire en ce moment à la générosité du tout-puissant vainqueur d’Austerlitz un appel plus touchant à coup sûr que bien avisé. Il ne se bornait pas à insister derechef sur l’évacuation d’Ancône ; il réclamait aussi le remboursement des sommes considérables avancées aux troupes françaises qui, pendant la dernière campagne, avaient traversé en tous sens les états pontificaux. Ce n’est pas tout. Dans un mouvement de confiance véritablement excessive, il lui parut que le jour était décidément venu de remettre sur le tapis la restitution des trois Légations, et voici en quels termes il n’hésita pas à introduire dans les débats alors pendans cette délicate affaire :

« Votre majesté rapporte à Dieu l’heureux succès de ses armes et l’accroissement de sa gloire, qui pourtant ne semblait pas, non plus que son empire terrestre, pouvoir grandir encore. Un tel sentiment met le comble à sa réputation. Il nous garantit aussi que votre majesté reportera vers Dieu et fera tourner au bénéfice de la religion et de l’église le prestige de sa renommée et le fruit de ses conquêtes. Votre majesté, est devenue le souverain de Venise… Cette extension de ses domaines en Italie nous fait concevoir l’idée flatteuse que le temps est arrivé où votre majesté voudra réaliser l’espérance qu’elle ne nous a jamais interdite de voir l’église recouvrer enfin cette partie du patrimoine de saint Pierre que la révolution lui a ravie… La liberté même de notre langage, disait en terminant Pie VII, sera pour votre majesté le gage le plus assuré de notre confiance. Si les tribulations dont le Seigneur a voulu

  1. Lettre de Pie VII à Napoléon Ier, 29 janvier 1806.