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affliger notre pontificat devaient parvenir à leur comble par la perte d’une chose aussi précieuse pour nous que l’amitié et les bonnes grâces de votre majesté, le prêtre de Jésus-Christ, qui porte la vérité dans le cœur et sur les lèvres, se soumettra avec résignation et sans crainte pour son sorti les souffrances mêmes soutiendront sa constance, car elles lui donneront lieu d’espérer que cette récompense qui lui est ici-bas refusée, le ciel un jour daignera la lui assurer plus solide et d’une durée éternelle[1]. »

Si par ce mélange de douceur et de fermeté Pie VII s’était promis de convaincre Napoléon de sa bonne foi, s’il s’était flatté de calmer son irritation et de détourner l’orage prêt à fondre sur sa tète, son attente fut singulièrement trompée. le parti de l’empereur était pris. Nulle considération, de quelque nature qu’elle fût, ne devait plus arrêter l’exécution des projets qu’il avait formés sur l’Italie. Toute la partie septentrionale de la péninsule était déjà rattachée immédiatement à l’empire par la récente acquisition des états vénitiens. La Toscane et les petits états du centre en relevaient également. Le prince français inopinément appelé à monter sur le trône de Naples était en train de chasser devant lui sans grandes difficultés l’ancienne dynastie, réduite à chercher un refuge en Sicile. Seuls, les états du pape séparaient dans toute leur largeur les deux armées françaises, l’une placée à demeure sous les ordres du prince Eugène Beauharnais, l’autre momentanément prêtée au nouveau roi Joseph, mais relevant toutes deux également de celui qui se reposait en ce moment à Paris des fatigues de ses récentes campagnes d’Allemagne. Aux yeux de ce grand ambitieux qui ne rêvait que conquêtes, même pendant les loisirs de la paix, dans les calculs de l’habile stratégiste toujours penché sur la carte de l’Europe, qui, à Saint-Cloud comme ailleurs, se préoccupait de manœuvres beaucoup plus que de fêtes, quelle tache en Italie que ce petit lambeau de territoire pontifical interposé comme un obstacle aux libres mouvemens de ses troupes ! « Pareil état de choses, a-t-il écrit plus tard lui-même, n’était pas tolérable[2]. »

Dans la disposition d’esprit mécontente et surexcitée où se trouvait alors l’empereur, ce qui lui rendait intolérable en effet l’interposition du domaine de saint Pierre au milieu de ses provinces italiennes, c’est que le souverain de ce « petit lambeau de territoire » était en même temps, pour les nations catholiques du monde entier, le chef auguste de l’église, et pour tous les peuples civilisés un des plus considérables personnages de la chrétienté. Il y avait

  1. Lettre de Pie VII à l’empereur Napoléon Ier, 29 janvier 1806.
  2. Mémoires de l’empereur Napoléon Ier, t. IV, p. 202.