Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la lettre qui lui est destinée et de dresser procès-verbal de cette remise. Ces trois pièces portent en substance : « La loi du 20 septembre 1792 déclare nul le mariage contracté par une personne âgée de moins de vingt et un ans sans le consentement de ses père et mère. Le code civil promulgué en mars 1803 établit la même cause de nullité, en étendant la limite d’âge jusqu’à vingt-cinq ans. Jérôme Bonaparte, âgé de dix-neuf ans, s’il contracte mariage sans le consentement de Mme Lætitia Bonaparte, sa mère, contractera un mariage invalidé par la loi de 1792 et par celle de 1803. »

Ces protestations eurent un effet immédiat, mais qui ne fut pas de longue durée. Jérôme écrivit au consul-général qu’il avait rompu son mariage et qu’il partait pour New-York ; M. Paterson informa Jérôme et le consul-général qu’en présence du texte de la loi française l’union projetée ne pouvait avoir lieu. Les choses restèrent dans cet état pendant deux mois, et il faudrait entrer dans des détails qui n’appartiennent pas à l’histoire et n’intéressent pas la question légale pour montrer ce qui, après cette période d’arrêt, fit prendre brusquement un autre cours aux événemens. Toujours, est-il que le consul-général apprit tout à coup à Washington que le mariage de Jérôme et d’Elisabeth Paterson venait d’être célébré à Baltimore, où l’évêque de Baltimore, Caroll, prêtre espagnol, avait uni les deux jeunes gens le 24 décembre.

Pour se rendre bien compte de la nature de cet acte, il faut rappeler qu’aux termes du code civil tout Français qui se marie à l’étranger selon les formes usitées dans le pays où il se trouve contracte un mariage reconnu valable par la loi française, sous certaines conditions essentielles parmi lesquelles figure en premier lieu le consentement des parens qui, s’il n’est pas obtenu, entraîne la nullité du mariage. Dès que cet acte fut connu en France, on s’occupa d’en faire prononcer l’annulation. Si Jérôme n’avait été qu’un simple particulier, la déclaration de nullité n’aurait pas souffert la moindre difficulté : sa mère, Mme Laetitia Bonaparte, eût introduit auprès du tribunal de la Seine une demande en nullité de mariage fondée sur le défaut de son consentement, et le tribunal eût invalidé l’acte de Baltimore conformément aux principes les plus élémentaires du droit commun ; mais à partir de mai 1804 la personne de Jérôme avait passé sous un droit exceptionnel. Les conséquences du sénatus-consulte du 28 floréal an XII soumettaient la famille de l’empereur à la juridiction du chef de l’état, Jérôme, pour le jugement de la validité de son mariage, relevait non plus d’un tribunal ordinaire, mais de son souverain, Napoléon Ier. Ce changement de situation entraîna nécessairement un changement de procédure. Le 22 février 1805, Mme Laetitia Bonaparte déposa entre les mains de M. Raguideau, notaire à Paris, une protestation contre le mariage de son fils, et les 2 et 21 mars l’empereur signa deux décrets qui frappaient cette union de nullité. Ce