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d’abord de la chambre des députés, à laquelle il fut élu en 1815 par les départemens du Puy-de-Dôme et de la Loire-Inférieure, puis de la chambre des pairs dans laquelle le roi l’appela en 1819, il persévéra dans cette ligne de conduite. L’inamovibilité des juges, la loi du recrutement, les lois de la presse, la loi électorale, les diverses lois financières, toutes les questions qui s’élevèrent pendant cette époque furent pour lui l’occasion de discours qui, sans produire au moment même un grand effet, furent remarqués et restent remarquables comme des modèles d’esprit politique et de mesure dans la chaleur du combat. Il n’était, dans l’arène parlementaire, ni un lutteur assidu et passionné ni un orateur soudain et puissant ; mais il avait une justesse et une élévation constantes dans les idées, une précision ingénieuse dans le langage et un instinct sûr des sentimens généraux comme des vrais besoins du pays. Et lorsqu’en 1820 la scission dans les rangs des royalistes fit un pas de plus, lorsque, parmi les modérés eux-mêmes qui jusque-là avaient soutenu le pouvoir, quelques-uns, plus ambitieux pour le pays ou plus exigeans pour leurs propres vues, témoignèrent hautement leur dissidence avec le cabinet que présidait le duc de Richelieu, et furent, par l’organe de M. de Serre, alors garde des sceaux, éliminés du conseil d’état, M. de Barante, le moins engagé d’entre eux dans cette dissidence, mais aussi fidèle à ses amis particuliers qu’à ses idées générales, fut, avec M. Royer-Collard, M. Camille Jordan et moi, compris dans cette mesuré, triste pour ceux qui la prenaient comme pour ceux qui la subissaient, mais naturelle des deux parts[1] ; le cabinet du duc de Richelieu et sa politique ne suffisaient pas, selon nous, à fonder le gouvernement que nous avions tous à cœur de fonder, et pourtant ni la situation de la couronne, ni celle des partis dans les chambres ne comportaient en ce moment un autre cabinet que celui du duc de Richelieu et sa politique. M. de Barante refusa le poste de ministre à Copenhague, qui lui fut offert comme dédommagement, ne voulant pas dans une disgrâce commune être traité autrement que ses amis.

Alors commença, pour lui comme pour moi, une nouvelle époque d’activité et d’influence, et pour lui aussi, je pense, comme pour moi, une des époques les plus heureusement animées de notre vie. Nous étions hors de toute fonction et de toute responsabilité politique : non que la politique nous fût devenue étrangère ou indifférente, elle tenait toujours une grande place dans nos pensées ; et nous y rentrions quelquefois par une apposition franche et vive,

  1. Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. Ier, p. 228-471.