Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec hardiesse, il en réclama avec fierté les conséquences, il entendait que la victoire lui valût le pouvoir ; mais un fait supérieur, certain, prouvé par tout ce qui depuis vingt-cinq ans s’était passé en France et en Europe, s’opposait à ses prétentions et à ses espérances. Par lui-même, ce parti n’était en France qu’une faible minorité, autant en minorité que l’étaient à la fin du XVIe siècle les protestans français, lorsqu’après quarante ans de guerres civiles Henri IV devint roi. Les protestans aussi avaient été les fidèles compagnons, les dévoués champions de Henri IV dans les jours de la lutte : ils avaient vaillamment combattu et cruellement souffert pour lui, ils se croyaient en droit de triompher et de régner avec lui ; mais Henri IV n’était plus protestant, il avait reconnu avec raison, et ses plus éclairés amis comme ses plus nécessaires alliés avaient reconnu comme lui que, pour devenir roi, il fallait qu’il devînt catholique. Il s’y était décidé, il était sorti des rangs de la minorité religieuse pour entrer dans ceux de la majorité nationale ; après un tel acte, il n’avait pu, il n’avait dû gouverner qu’en harmonie avec cette situation nouvelle. Par l’édit de Nantes, il assura aux protestans une part de liberté, toute la part que comportait le temps, et que seul il pouvait et voulait sincèrement leur garantir ; mais le pouvoir appartint essentiellement aux catholiques. A cette condition seulement, la France pouvait sortir enfin de la guerre civile et retrouver, comme elle les retrouva en effet, la prospérité et le progrès social avec l’ordre et la paix. Les siècles s’écoulent, mais les choses humaines changent plus à la surface qu’au fond et en apparence qu’en réalité : les questions politiques avaient, à la fin du XVIIIe siècle, remplacé les questions religieuses du XVIe ; mais la situation du roi Louis XVIII, après la promulgation de la charte, était la même que celle de Henri IV après sa conversion au catholicisme : la majorité, l’immense majorité de la France était évidemment et ardemment attachée aux principes de 1789 et aux résultats essentiels de la révolution. En rentrant deux fois en France la charte à la main, c’était dans les rangs de cette majorité qu’était entré Louis XVIII ; il ne pouvait gouverner qu’avec elle et par elle. Là étaient à la fois pour la nation française la force et le droit, pour le roi de France la nécessité et son serment.

Une grande partie des amis sincères de la maison de Bourbon pensa que telle était en effet la situation, et accepta, de concert avec le roi Louis XVIII et ses ministres, la politique qu’elle commandait. Dès le premier jour, M. de Barante fut de ceux-là, regrettant la scission des royalistes, mais soutenant fermement la lutte qu’elle suscitait. De 1815 à 1820, soit comme conseiller d’état et directeur-général des contributions indirectes, soit comme membre,