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bien ou redouter beaucoup de mal… Si, comme le dit votre majesté, nous ne devons pas entrer dans le dédale de la politique, dont en effet nous nous sommes tenu et nous tiendrons toujours éloigné, combien plus ne devons-nous pas nous abstenir de prendre part aux malheurs d’une guerre qui n’a pour cause que des sujets politiques, dans laquelle la religion n’est pas attaquée, et où se trouve même impliquée une puissance catholique ! La seule nécessité de repousser une agression hostile ou de défendre la religion en péril a pu fournir à nos prédécesseurs un motif légitime pour sortir de l’état de paix. Si par faiblesse humaine quelqu’un d’eux s’est affranchi de ces maximes, sa conduite, nous le disons franchement, ne saurait jamais servir d’exemple à la nôtre. »


Pie VII expliquait ensuite avec le même bon sens et la même douceur que chasser de ses états les sujets des puissances hérétiques qui étaient en guerre avec l’empereur et leur fermer ses ports, c’était provoquer la rupture infaillible des communications journalières qui existaient entre le saint-siège et les catholiques qui vivaient sous la domination de ces cours.


« La force irrésistible des événemens humains amenait parfois cette fatale interruption de rapports entre le chef de l’église et quelques-uns de ses membres les plus fidèles. C’était une calamité dont gémissait alors profondément l’église ; mais si lui-même en devenait la cause, quelle ne serait pas l’amertume de ses remords, et comment réprimer la voix intérieure de sa conscience, qui lui reprocherait éternellement une faute aussi impardonnable ? Les catholiques qui vivent dans les pays hérétiques ne sont pas d’ailleurs en petit nombre. Pouvons-nous abandonner tant d’âmes fidèles, s’écriait douloureusement Pie VII, lorsqu’il nous est ordonné par l’Évangile de tout faire pour la recherche d’une seule ? Il y en a des millions dans l’empire russe, il y en a des millions et des millions dans les régions soumises à l’Angleterre ; ils y jouissent du libre exercice de leur religion ; ils y sont protégés. Nous ne saurions prévoir ce qui arriverait si les souverains de ces états se voyaient tout à coup provoqués par un acte d’hostilité aussi prononcé que le seraient l’expulsion de leurs sujets et la fermeture de nos ports. Leur ressentiment serait d’autant plus violent qu’il leur paraîtrait plus juste, et pour nous qui l’aurions provoqué sans avoir éprouvé aucune injure de leur part, quelle responsabilité d’avoir amené l’interdiction du culte en ces pays, la ruine des saintes missions, la stagnation de toutes les affaires spirituelles ! Malheur incalculable pour la religion et pour le catholicisme, malheur dont il faudrait nous accuser nous-même, et dont nous aurions à rendre un compte sévère devant le tribunal de Dieu ! »


Parmi les griefs contenus dans la lettre de l’empereur, aucun n’avait été plus sensible au cœur du saint-père que celui par lequel