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n’avoir à choisir qu’entre l’athéisme de Naigeon ou le catholicisme de l’encyclique.

Suivons en effet le double mouvement de logique qui s’opère devant nous en sens contraire : d’un côté, quelques philosophes, las d’une philosophie spiritualiste qui ne leur paraît qu’un assemblage arbitraire de doctrines hétérogènes, nient, en vertu de la logique, que l’infini, l’absolu puisse posséder la personnalité, la conscience, la volonté libre, et pour échapper à ce qu’ils appellent l’anthropomorphisme ils se précipitent et veulent nous entraîner avec eux dans une sorte d’idéalisme panthéistique. Une fois arrivés là, ils sont eux-mêmes saisis et entraînés par d’autres logiciens qui leur demandent ce que c’est que ces vagues entités, la substance, l’infini, l’absolu, l’idée, l’esprit, si l’on connaît autre chose, dans la nature que la matière et les forces élémentaires et constitutives, si la matière et la force ne suffisent pas à tout expliquer. Ceux-ci rejettent tout être transcendant, métaphysique, qu’il soit ou non personnel ; ils expliquent tout dans la nature par les forces aveugles de la matière, et dans l’homme par les forces non moins aveugles de l’organisation. On n’a pas encore donné clairement la morale de cette philosophie ; mais il est probable que la même évolution logique qui conduit ainsi de Platon à Plotin, de Plotin à Spinoza, de Spinoza à Épicure, amènera en morale les mêmes conséquences, et nous rendra bientôt la morale de Hobbes et d’Helvétius.

Pendant que la philosophie redescend ainsi peu à peu des hauteurs nuageuses où l’avaient vue les premières années du siècle dans les derniers abîmes du matérialisme athée, la théologie par un mouvement inverse nous ramène peu à peu à Joseph de Maistre et au moyen âge. C’est du sein même de la philosophie spiritualiste qu’est parti d’abord sans en avoir conscience ce mouvement rétrograde. La philosophie ne s’est plus contentée d’être spiritualiste, elle a voulu être chrétienne, non pas sans doute dans le sens dogmatique et théologique, non pas en sacrifiant la raison, mais avec une complaisance évidente pour les penseurs de race chrétienne, pour ceux qui ont travaillé à l’alliance de la philosophie et du christianisme, saint Augustin, saint Thomas, Malebranche, Bossuet. Tel est le premier degré, très légitime sans doute, très sage, n’engageant à rien encore, mais qui n’en est pas moins le premier degré par lequel le rationalisme spiritualiste est entraîné hors de ses positions premières et tenté de prendre un point d’appui dont il n’avait pas cru d’abord avoir besoin. Une fois sur cette pente, de nouveaux logiciens vont l’entraîner plus avant. Ceux-ci, avec la haute autorité d’une vie illustrée par les plus beaux travaux et par la pratique de toutes les grandes occupations humaines, apportant à la science