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Si l’on s’en tenait à ce que montre l’exposition, on pourrait croire que le Japon est par excellence le pays producteur de la soie. Les vitrines du prince de Satzouma, plus encore celles du taïcoun, nous font assister à toutes les transformations de ce précieux textile : le cocon d’abord, puis la soie désagrégée dans l’eau tiède, tordue ensuite en fils plus ou moins serrés qui prennent des formes et des couleurs diverses, et s’unissent enfin sur le métier pour former des étoffes de tout genre. La graine de vers à soie du Japon est aujourd’hui très recherchée. Ce pays est, je crois, trop mal connu pour que l’on soit fondé à affirmer que l’épidémie l’a toujours épargné ; il est seulement certain que depuis 1864, époque où le gouvernement du taïcoun a enfin levé la prohibition qui s’opposait à la sortie des graines, divers envois expédiés successivement en France ont assez bien supporté les périls d’une longue traversée. Il semble au contraire que l’on ait renoncé à demander à la Chine ses graines, qui n’ont pas réussi en France. On sait d’ailleurs que de 1720 à 1740 une épidémie y ravagea les districts séricicoles. Les historiens chinois en parlent comme d’un châtiment céleste.

Le Japon a obtenu pour les produits de sa magnanerie une récompense internationale ; on ne saurait encore néanmoins apprécier sous ce rapport la richesse totale de l’archipel. Les Européens n’ont accès que sur les domaines propres du taïcoun et dans une zone restreinte. Les daïmios, restés longtemps hostiles, n’ont apparemment permis aucune exportation des soies de leurs domaines, et les 15,718 balles, représentant une valeur de 39 millions de francs, qui sont sorties du port de Yokohama durant l’exercice de 1864 ne comptent chez nous que pour une bien faible partie dans l’ensemble de l’importation étrangère. La Chine, malgré l’insuffisance de son exposition, est encore le seul pays où nos fabriques trouvent suffisamment à s’alimenter. Qu’on n’oublie pas que la France en 1865 a introduit dans sa consommation pour une valeur de 395 millions de francs en soies étrangères. La fabrication de la soie est d’ailleurs l’industrie nationale des Chinois. Ce sont eux qui l’enseignèrent à la Perse, ce sont eux qui fournirent peut-être les premières soieries admirées chez les riches patriciens de Rome. Acclimaté plus tard en Grèce et à Constantinople, le bombyx à soie ne fut élevé en France que sous le règne d’Henri IV, tandis que 800 ans avant Jésus-Christ la Chine tissait des étoffes de soie.

Ce textile offre en Chine comme au Japon diverses variétés de valeur différente, mais toutes sans exception, jusqu’aux déchets des cocons dévidés, trouvent un emploi. L’insuffisance de la production fournie par les papillons du mûrier a fait utiliser les soies beaucoup moins estimées des vers du chêne et du ricin, que l’on a introduits