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récemment en Europe. Cette soie, dure, cassante et d’un mauvais usage quand elle fournit seule la matière du tissu, peut être utilement mélangée avec des soies plus chères et de meilleure qualité. Dans ces derniers temps, l’insurrection des taïpings, maîtresse des districts séricicoles les plus riches autour de Nankin et dans les environs de Han-kao et de Shang-haï, a eu pour effet de diminuer la production. Cette industrie se relèvera sans doute à mesure que les provinces se débarrasseront plus complètement des rebelles, qui y ont entassé ruines sur ruines.

Le gouvernement chinois ne voit pas sans déplaisir l’exportation de la soie brute, ou soie grége. Il craint de laisser une partie de sa population privée du travail de la filature, auquel elle est habituée, bien que nulle part on ne trouve de grands établissemens analogues à ceux de l’Europe, et que l’ouvrier chinois, travaillant le plus souvent seul, soit loin de pouvoir rivaliser avec la fabrication européenne. Les fils venus de Chine présentent même des aspérités qui en rendent l’usage difficile en Europe. Des négocians prétendent que les fils japonais qu’on voit au Champ de Mars sont préférables ; mais on ne saurait affirmer que, précisément en vue de l’exposition, ces derniers n’aient pas été l’objet de soins particuliers. Une sorte d’émulation a dû naître entre le taïcoun et le prince de Satzouma et contribuer à la qualité de leurs envois. Les jésuites établis en Chine ont essayé de concilier les répugnances du gouvernement chinois avec les exigences de l’industrie européenne. Dans l’établissement qu’ils ont créé sous le nom d’Orphelinat de la Sainte-Enfance, où ils élèvent et instruisent des enfans indigènes, ils ont établi une filature d’après nos procédés perfectionnés. Les enfans travaillent dans la mesure de leurs forces, apprennent un métier qui les fera vivre plus tard. Il serait à désirer que l’Europe n’eût jamais agi en Chine que pour y introduire de pareils bienfaits.

Les soieries chinoises ne sont représentées à l’exposition que par des étoffes de grand luxe, qui ne sauraient donner une idée complète de l’industrie nationale. Ces magnifiques échantillons, atteignant des prix très élevés, ne s’emploient guère que pour confectionner les longues robes revêtues par les mandarins du plus haut rang dans les cérémonies officielles, ou pour servir de tentures dans les palais impériaux et dans les demeures de quelques riches particuliers. On en a trouvé d’énormes amas, soit en pièces, soit taillés en draperies et en vêtemens lors du sac du palais d’été. Quant aux soieries plus communes que la Chine fabrique en grande quantité et qui s’exportent même dans l’Amérique du Sud ou dans certaines îles de l’Océanie, aux Sandwich, il faut revenir à l’étude de leurs similaires dans les vitrines japonaises pour essayer de s’en