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institutions que l’administration jugeait dignes d’encouragement ; l’autorisation était même recherchée par les fondateurs comme une sorte d’attache officielle propre à faire venir la confiance du public, toujours bien disposé pour tout ce qui porte l’estampille du gouvernement. Les autres affaires ne pouvaient, parce qu’elles étaient trop petites, profiter des avantages de la responsabilité limitée, inhérente à l’anonymat.

En 1860, l’action du traité de commerce avec l’Angleterre se fit sentir sur la législation en matière de sociétés. On avait souvent objecté contre la liberté des échanges internationaux que notre code de commerce rendait la concurrence difficile avec un pays où les conventions avaient une plus grande latitude. De l’autre côté du détroit, disait-on, les capitaux peuvent s’associer avec beaucoup plus de facilité que chez nous, puisqu’on n’a besoin ni d’autorisation préalable ni d’incorporation par bill pour les réunir avec la clause de responsabilité limitée : cela seul crée à l’industrie anglaise une supériorité que la nôtre aura de la peine à neutraliser. Le gouvernement fit de cette objection contre la liberté commerciale une occasion pour la développer, et proposa le projet qui devint la loi du 23 mai 1863. L’autorisation préalable était supprimée pour les sociétés à responsabilité limitée, à condition toutefois qu’elles se conformeraient aux dispositions de la nouvelle loi, car, en ouvrant à la liberté la porte un peu plus grande, celle-ci n’en avait pas moins la prétention présomptueuse de prévenir les abus et de garantir le public contre la fraude.

Tout en reconnaissant que la loi de 1863 fut un progrès, il est difficile de ne pas sourire en lisant les dispositions restrictives dont elle accompagne son mouvement vers la liberté. Un article exige d’abord qu’il y ait au moins sept associés. Par quelle raison tirée de la vertu des nombres ce chiffre fut-il adopté ? Il est vrai qu’il figurait déjà dans la loi anglaise ; mais admirez la contradiction ! Dans l’intérêt de la Banque d’Angleterre, les Anglais ont défendu l’émission des billets à toute société qui compte plus de six membres. Ainsi chez nous il faut plus de sept membres pour constituer une société viable, et de l’autre côté du détroit les sociétés qui comptent sept membres ou plus semblent mises en suspicion, et on leur inflige une clause restrictive de leur action commerciale. On cherche en vain les motifs qui ont guidé nos législateurs. Est-ce pour avoir une assemblée générale et un conseil de surveillance que le chiffre de sept membres a été exigé ? Il est certain qu’à deux on ne formerait pas une assemblée générale bien imposante ; mais nous n’apercevons pas la nécessité de cet appareil, et on aurait pu le réserver pour le cas où il y aurait eu plus de sept associés, sans pour cela interdire les associations modestes de cinq, quatre, trois ou