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sible, surtout sans rien laisser imprimer, telle paraît être la principale recommandation que l’empereur faisait alors parvenir à ses agens en Italie. Moins on en parlera, mieux cela vaudra, c’est à quoi il revient sans cesse. « Ayez soin, ajoute-t-il en terminant sa lettre au vice-roi, ayez soin qu’il ne soit question de cela dans aucune gazette, et qu’on n’en fasse aucun bruit[1]. »


III.

Le jour même où le cardinal secrétaire d’état Gabrielli avait été enlevé de Rome par la force armée. Pie VII nommait pour le remplacer le cardinal Pacca. Ce choix lui-même était la meilleure preuve du tort que l’empereur avait fait à sa cause en éloignant du saint-père tant de membres du sacré-collège. Laissé libre dans ses préférences, jamais le saint-père n’aurait de son propre mouvement confié au cardinal Pacca les fonctions du ministère. Ce n’était pas que le cardinal Pacca fût un personnage obscur ou médiocre d’esprit, loin de là. Il appartenait à cette portion du sacré-collège qui, sans avoir jamais fait acte d’opposition ouverte à l’égard du cardinal Consalvi, n’avait pas craint toutefois d’exprimer à plusieurs reprises quelques doutes sur la convenance et l’utilité des concessions faites à l’empereur des Français par ce fidèle serviteur et cet ami intime de Pie VII. Il en était résulté que, sans être, à vrai dire, en disgrâce, le cardinal Pacca était depuis un certain nombre d’années demeuré un peu à l’écart des affaires. Il n’avait pas au fond de son cœur approuvé l’alliance contractée en 1801 avec le chef de la révolution française, non plus que le concordat, et encore moins le voyage du saint-père à Paris pour le sacre. Ses sympathies avérées étaient d’un tout autre côté. Il était avant tout homme d’ancien régime : non pas, tant s’en faut, qu’il fût un prêtre rigide, altier et d’un caractère intraitable; tout au contraire il était aimable, enjoué, plus versé qu’aucun de ses confrères du sacré-collège dans la société romaine, s’y plaisant assez et y plaisant beaucoup, très vif dans la conversation, très prompt à la riposte, fort arrêté dans ses idées, peu différentes de celles que le comte Joseph de Maistre, un Italien de Savoie, défendait alors avec tant de verve dans les salons de Saint-Pétersbourg, mais ne craignant pas non plus d’examiner toutes choses sous leurs divers points de vue, facile à émouvoir comme la plupart de ses compatriotes, et cependant intrépide, allègre même en face du danger. Tel était alors le nouveau ministre qu’au mois de juin 1808 Pie VII venait d’appeler près de lui, et tel encore nous l’avons connu à Rome vingt ans plus tard dans son

  1. Lettre de l’empereur Napoléon au vice-roi d’Italie, Bayonne, 17 juillet 1808. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XVII, p. 402.