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alerte vieillesse, l’un des chefs les plus actifs du parti absolutiste, demeuré malgré ses quatre-vingts ans un intrépide causeur, médisant volontiers de la France et rappelant toujours avec la plus évidente satisfaction les années qu’il y avait passées presque toujours en captivité, affectant de mépriser beaucoup les idées libérales et recherchant de préférence les hommes qui les professaient avec le plus d’éclat. Avec de telles opinions, qui n’aurait cru que le nouveau secrétaire d’état allait aussitôt entrer en collision avec le général Miollis? Il n’en fut rien; au contraire les rapports entre la cour de Rome et le commandant des troupes françaises semblaient se détendre un peu. Comme il arrive le plus souvent dans les affaires humaines, le ministre du saint-siège, précisément parce qu’il était décidé à opposer une résistance très énergique aux exigences du gouvernement français, était d’autant plus porté à se montrer conciliant dans les incidens de peu d’importance. Il s’abstint pendant plusieurs jours d’élever aucune plainte, de formuler aucun grief; il prit même soin de témoigner à l’égard des Français les dispositions les plus pacifiques, si bien que le général commençait à voir avec plaisir un choix qui l’avait d’abord passablement mécontenté[1]. Ce fut le pape qui se lassa le premier de cette patience de son ministre. « Monsieur le cardinal, lui dit-il dans une de ses audiences du matin, on prétend dans Rome que nous dormons; il faut prouver que nous sommes éveillés et adresser au général français une note vigoureuse. » Ce n’étaient pas les occasions de noie qui manquaient, car les violences des autorités françaises n’avaient pas un instant discontinué. Jusque-là, le cardinal Pacca avait cherché des biais pour n’avoir pas à récriminer officiellement contre les mesures ordonnées par le général Miollis. Il avait recommandé sous main aux employés du gouvernement pontifical de se prêter, dans l’exercice de leurs fonctions, à tous les actes qui ne seraient pas absolument incompatibles avec leurs devoirs envers le saint-père. Quand des difficultés s’étaient élevées entre les fonctionnaires des deux gouvernemens, il s’était efforcé, avant de rien publier, d’entrer verbalement en pourparlers avec le général. La plupart du temps leurs entretiens avaient été pacifiques et courtois. Une fois seulement le commandant des troupes françaises s’était échappé à dire que Napoléon lui avait donné ordre de faire pendre ou fusiller tous ceux qui, dans les états pontificaux, auraient la témérité de s’opposer à ses volontés souveraines. « Général, répondit Pacca, depuis le jour de votre entrée à Rome, vous devez avoir appris que les ministres de sa sainteté ne se laissent pas intimider par des menaces. En ce qui me regarde, j’exécuterai fidèlement les ordres de mon souve-

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier , p. 78.