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marches. Les simples avocats et les étudians s’assoient de leur côté devant d’autres tables qui s’étendent dans toute la longueur de la nef jusqu’à l’entrée, revêtue d’une masse de boiseries richement sculptées, Dans les grands jours, c’est-à-dire à certaines fêtes, non-seulement les membres de l’inn, mais encore les premiers juges du royaume viennent à tour de rôle dîner en famille dans un de ces réfectoires gothiques, dont le plus parfait est encore celui de Middle Temple. C’est alors un noble spectacle que la vue du hall vivement éclairé, les tables couvertes d’ancienne argenterie, et surtout le contraste entre cette vieillesse couronnée d’honneurs et cette jeunesse qui porte en elle les espérances de l’avenir. D’un côté siègent les gloires de la magistrature anglaise, et de l’autre les hommes qui doivent les remplacer un jour. Les autorités de chaque confrérie tiennent d’autant plus à conserver cet usage du repas commun que le lien des rapports sociaux tend chaque jour à se relâcher entre les collègues. Depuis l’ouverture des chemins de fer, bien peu d’avocats résident dans les inns of court ; leur journée de travail accomplie, ils vont rejoindre leur famille aux environs de Londres, dans quelque jolie maison de campagne.

La présence à table n’est point d’ailleurs la seule condition qu’on exige de l’étudiant en droit. Il lui faut suivre durant une année les cours de deux professeurs nommés par le conseil d’éducation légale[1]. Cette garantie peut, il est vrai, sembler bien insuffisante, et encore le jeune homme est-il libre de s’exempter des leçons en se soumettant par choix, vers la fin de son stage, à un examen public. Ces examens ont lieu trois fois par an, et ce que les Anglais appellent studentships (bourses de 1,340 fr.) sont accordées pendant trois années au candidat qui se distingue le plus dans la série des épreuves. Une commission fut nommée en 1854 par le gouvernement pour faire une enquête sur l’état des études dans les inns of court. Le rapport des hommes éclairés qui la composaient ne fut pas entièrement favorable ; à leurs yeux, la présence de l’étudiant sur les bancs de l’école ne justifiait nullement de ses capacités ni de son savoir. L’esprit de l’auditeur ne peut-il point être absent durant les heures du cours ? En somme, ils concluaient à ce que les examens fussent obligatoires au lieu d’être, comme ils le sont maintenant, facultatifs. Beaucoup de légistes sont aussi de leur avis, et pourtant cette réforme rencontre dans les idées et les

  1. Les quatre inns of court s’entendent entre eux pour entretenir cinq professeurs, qui reçoivent chacun un traitement de 8,000 fr. Chaque inn défraie entièrement un de ces professeurs ou readers (lecteurs), et toutes ensemble contribuent au paiement du cinquième. Les étudians versent à leur entrée 134 francs, et acquièrent par là le droit de suivre tous les cours. Il y a aussi des classes du soir pour ceux qui veulent bien s’y rendre.