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de Dieu, visitation of God, ils constatent et expriment le fait. Est-ce la suite d’un accident, ils donnent en conséquence leur avis, qu’ils accompagnent souvent de réflexions utiles pour éviter à d’autres les mêmes dangers et la même terminaison fatale. Dans le cas où au contraire tout porte à soupçonner un meurtre, mais où le meurtrier reste inconnu, ils prononcent ce qu’on appelle un verdict ouvert, open verdict. Enfin, quand le jury décide que certaines apparences assez graves désignent à la conscience publique un ou plusieurs coupables, il est du devoir du coroner de renvoyer l’auteur ou les auteurs présumés du crime devant la cour d’assises. L’enquête, inquisition, signée par lui et par ses douze assistans, a de plus toute la force d’un acte d’accusation émanant du grand jury.

Cette dernière institution est aussi fort ancienne. Autrefois le grand jury exerçait directement les poursuites judiciaires. C’est à lui que s’adressaient les officiers de police ou les victimes d’un attentat pour obtenir l’arrestation du coupable. Il prenait connaissance de l’affaire, et, si à première vue la plainte lui semblait fondée, il présentait à la cour un acte d’accusation, indictment, qui autorisait celle-ci à lancer un mandat d’amener contre l’auteur soupçonné du crime ou du délit. Aujourd’hui ces fonctions se trouvent remplies, on l’a vu, par un juge de paix, ou dans quelques grandes villes par un magistrat spécial. Le grand jury a donc beaucoup perdu de son importance ; sa charge se réduit, dans l’état actuel des choses, à faire un second examen des charges et à décider par oui ou par non s’il y a lieu de donner suite au procès[1]. C’est une nouvelle garantie ajoutée à toutes celles qui entourent déjà l’accusé. Quelques légistes anglais regardent même cette seconde investigation comme superflue, et demandent hautement qu’on l’abolisse. D’autres soutiennent au contraire que l’on ne saurait s’armer de trop de précautions contre les erreurs de la justice. Dans la décision du grand jury se trouve engagée une chose plus précieuse même que la liberté du prisonnier, — son honneur. Convient-il de lui enlever les avantages que lui accorde la loi pour mettre son innocence à l’abri des disgrâces d’un procès criminel ? N’est-il pas beau qu’en Angleterre le prévenu lui-même soit

  1. L’acte d’accusation, indictment, figure devant les yeux du grand jury, composé généralement de trente personnes, choisies parmi les habitans du comté qui remplissent les fonctions de juges de paix. Ils n’examinent que les témoins à charge pour voir s’il y a matière à un procès criminel. Dans le cas où une majorité de douze membres décide qu’il y a lieu de poursuivre, le président du grand jury écrit sur l’acte d’accusation true bill (bill vrai). Si au contraire les charges ne semblent point fondées, il écrit no true bill, ou, dans quelques comtés, croise l’acte d’un double trait de plume. Cette déclaration est ensuite portée par le grand jury de la salle où il tient ses séances dans l’enceinte même de la cour.