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cherchaient avec une louable ardeur à recueillir les débris du naufrage et à relever les études classiques. L’école centrale du Panthéon, installée dans les bâtimens de l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève, rendait de véritables services. Au premier rang parmi les écoles secondaires qui suivaient les cours de cet établissement était l’institution de M. Dabot. C’était une maison sérieuse et austère, où les délicatesses qui ont été introduites depuis dans l’éducation étaient inconnues. M. Dabot ne négligeait rien pour exciter parmi ses élèves l’ardeur du travail et l’émulation du succès. Ayant eu connaissance des efforts de la pauvre veuve et des dispositions de l’enfant, il adopta en quelque sorte celui-ci. Victor Le Clerc était dès lors tel que nous l’avons vu plus tard, sédentaire, se mêlant peu au mouvement de la vie extérieure, uniquement attiré par l’étude. Vers le même temps, M. Dabot s’associait un de ses élèves, dont le nom par une alliance de famille devint inséparable du sien, M. Hallays. Une vive sympathie existait déjà entre le jeune Le Clerc et le jeune Hallays. Celui-ci, un peu plus âgé, était le protecteur de son petit camarade, pauvre, craintif et souffreteux. Les succès de l’enfant recueilli par cette bienveillance éclairée furent éclatans. D’illustres amitiés commençaient en même temps pour lui. M. Villemain et M. Naudet étaient à divers titres ses condisciples ou ses émules. Deux fois de suite, en 1806 et 1807, l’élève Victor Le Clerc obtint le prix d’honneur au concours général. Ces récompenses avaient alors une grande valeur officielle. Un décret inséré au Moniteur du 5 septembre 1806 conféra au lauréat une place gratuite à son choix dans l’une des grandes écoles spéciales du gouvernement.

Mais la vocation de M. Le Clerc était écrite d’avance. L’enseignement n’était pas pour lui un pis aller ; il l’aimait pour lui-même, il le préféra à tant d’autres carrières plus brillantes. De 1808 à 1815, il fut attaché d’abord comme maître surveillant, puis comme professeur à l’école où il avait fait ses études, et qui était devenue le lycée Napoléon. En 1815, il succéda à M. Villemain dans la chaire de rhétorique au lycée Charlemagne. Pour réussir en ce genre de professorat, il avait à surmonter beaucoup de difficultés. Ses allures graves et solennelles, contrastant avec sa jeunesse, sa mise surannée, un bégaiement qu’il sut dompter à force de volonté, ses habitudes et, si j’ose le dire, ses coquetteries d’érudition minutieuse devaient surprendre un jeune auditoire. Sa classe était un docte commentaire que peu d’élèves étaient capables d’apprécier, et néanmoins aucun professeur n’était plus respecté. On n’avait pas encore vu dans l’Université d’enseignement aussi solide. Bien des noms célèbres figurent dans la liste de ses élèves ou, si l’on veut, de ses auditeurs ; il en est deux qui effacent tous les autres :