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M. Michelet eut M. Le Clerc pour professeur de rhétorique en 1815 ; M. de Rémusat fit toutes ses études au lycée Napoléon sous sa direction et en recevant de lui des soins, particuliers.

Ce serait méconnaître ce qui fit la véritable grandeur de M. Le Clerc que de prétendre qu’à cette époque il fût exempt des défauts de l’école d’où il sortait. Respectueux pour ses maîtres, M. Le Clerc adopta d’abord tout d’une pièce la discipline qui lui fut enseignée. Sauveurs courageux des épaves d’un monde disparu, les fondateurs de l’Université de France, à côté de rares qualités, d’un goût vif pour les études classiques, d’un sentiment de l’humanisme qui était presque une foi, offraient dans leur culture intellectuelle des lacunes qui venaient moins de leur faute que des vices du temps. La langue et la littérature grecques étaient peu comprises ; le travail de critique des textes était négligé ; l’histoire s’enseignait selon des données trop convenues ; l’éducation se donnait comme si tous les élèves eussent été destinés à être des hommes de lettres ou des professeurs. M. Le Clerc entra d’abord dans cette tradition. Ses premiers essais furent profondément empreints de l’esprit du moment. On croyait trop alors à la poésie qu’encouragent et récompensent les académies. Hésitant sur sa vocation, M. Le Clerc cueillit quelques-unes de ces palmes dont lui-même plus tard sembla peu se soucier[1]. Des jeux littéraires alors fort à la mode le tentèrent, et on n’est pas peu surpris d’avoir à compter au nombre des œuvres de l’infatigable érudit un poème en vers grecs du dialecte éolien dédié à Mme de Rémusat : Lysis, poème trouvé par un jeune Grec sous les ruines du Parthénon et traduit en vers français par l’éditeur, et, sous le titre de De officiis ad pueros, une traduction en vers latins des quatrains de M. Morel de Vindé sur la Morale de l’enfance. Il se rapprochait déjà des lettres savantes par sa traduction en vers du joli poème latin intitulé Pervigilium Veneris. L’exemple de Boissonade, de Coray, de Gail (il ne voulait pas qu’on oubliât ce dernier) l’entraînait en même temps vers l’étude de la langue grecque. La Chrestomathie grecque, les Pensées de Platon sur la religion, la morale et la politique, comptèrent parmi les ouvrages qui contribuèrent le plus à introduire l’étude du grec dans l’Université. La nouvelle édition avec d’utiles additions de la Grammaire latine de Port-Royal, la Rhétorique extraite des meilleurs écrivains anciens et modernes, furent également des services rendus aux études. À travers quelques préoccupations scolaires, le futur érudit s’y laissait deviner. La bibliographie surtout était dans ces

  1. La Mort de Rotrou, poème ; la Mort de Rotrou, chant lyrique ; Brennus ou les Destinées de Rome, dithyrambe ; diverses pièces dans le Lycée français, 1819-1820.