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Notre-Dame une « poitrine » mal à propos « saillante comme celle de l’Hercule, » ou dans d’autres statues de la même église l’absence de cet « élan que donne la foi. »

Peut-être, soit dit en passant, aurait-il mieux valu procéder plus habituellement avec cette netteté dans le langage, et ce n’est pas seulement en ce qui concerne les œuvres religieuses du sculpteur danois qu’on pourrait souhaiter chez son biographe un peu moins d’indulgence ou de réserve. En nous donnant la nomenclature authentique des travaux qui ont rempli la vie de Thorvaldsen, M. Pion n’oublie-t-il pas en effet de nous avertir de ce qu’ils ont trop souvent de défectueux ? Ne lui arrive-t-il pas même, à force de déférence pour l’artiste dont il raconte l’histoire, de mettre au compte des détracteurs de Thorvaldsen certains torts qui n’appartiennent en réalité qu’à celui-ci ? « En présence d’une telle richesse de compositions, dit-il, on a peine à s’expliquer la prétention de quelques critiques qui se sont efforcés de représenter le maître comme un imitateur auquel aurait manqué l’imagination. » Rien de plus facilement explicable pourtant, un petit nombre de morceaux d’élite une fois exceptés, et l’auteur du livre sur Thorvaldsen et son œuvre nous semble en ceci prendre quelque peu l’abondance numérique pour la fécondité intellectuelle. Laissons donc cette longue série de compositions uniformes ou effacées qui pendant un quart de siècle se succèdent sous la main de Thorvaldsen comme des phrases toutes faites sous la plume d’un rhéteur. Insister sur les imperfections de chacune d’elles serait s’imposer une besogne d’autant plus inutile qu’elle aboutirait forcément à des redites. Aussi bien le moment, est-il venu de résumer certains faits simplement biographiques et d’indiquer en regard des œuvres appartenant à la fin de cette carrière quelque chose des circonstances qui les ont vues naître.

Pendant les dix premières années qui avaient suivi l’époque de son voyage en Danemark et en Allemagne, Thorvaldsen s’était plus que jamais attaché à Rome, où le retenaient d’ailleurs les souvenirs et les habitudes de toute sa vie, les hommages fidèles de ses premiers admirateurs, comme ceux dont l’entouraient à tour de rôle les survenans de tous les pays. Aussi les démarches tentées pour le déterminer à changer de résidence l’avaient-elles trouvé inexorable. Que le prince héréditaire de Danemark lui écrivit pour le presser de venir à Copenhague prendre la direction des beaux-arts, ou que le roi Louis Ier lui offrît, avec le titre de conseiller d’état, la place de professeur à l’académie de Munich, Thorvaldsen, tout en protestant de sa reconnaissance et au besoin de ses regrets, n’en continuait pas moins de vivre à Rome en homme qui s’y sentait à peu près définitivement installé. Sa maison de la Via Sistina, dans laquelle