Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/661

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extraordinaire de 27,171,229 francs. Depuis cette époque enfin, la partie des rentes de la dotation non employée par cette caisse, 8 millions environ, est transmise annuellement à l’état et inscrite aux produits divers du budget.

La politique financière de l’empire a été constamment dominée par deux préoccupations : pourvoir à l’insuffisance des recettes naturelles, et multiplier les travaux de construction qui déterminent un grand remuement de capitaux et occupent beaucoup de bras. La dextérité consistait à emprunter sans ouvrir le grand-livre et à faire exécuter beaucoup de travaux sans surcharger immédiatement le budget des dépenses. Au 1er janvier 1857, les découverts du trésor étaient démesurés : ils se chiffraient par 965,532,753 fr. Où trouver des millions à jeter dans le gouffre pour le combler ? Une crise monétaire des plus intenses éclate. On s’en prend, non sans quelque raison peut-être, au monopole de la Banque de France. Au milieu de la controverse qui s’établit, on jette l’idée que le capital de la Banque est insuffisant pour le service qui lui est confié. Le gouvernement s’inspire aussitôt de cette théorie. Bien que le privilège de la Banque de France eût encore plus de dix années à courir, on imagine de le proroger pour trente ans de plus, à charge par la Banque d’ajouter 100 millions à son capital et de livrer ces 100 millions à l’état contre une inscription de rente de 4 millions. Grâce au mécanisme si commode de l’amortissement, on transforme une rente passive en rente active. La France doit à perpétuité 4 millions de rentes de plus, et tout est dit.

Il fallait en outre provoquer l’accroissement des recettes par le mouvement quelque peu artificiel des grands travaux. La liquidation du Grand-Central, dont on désirait noyer les comptes dans quelque vaste combinaison, rendait nécessaire une évolution dans le système des chemins de fer. On pratiqua le fusionnement des compagnies sur une vaste échelle ; on partagea le territoire entre six groupes gigantesques, on donna une extension effrayante au système des garanties d’intérêt, appliquées aujourd’hui à des milliards, et, comme le chiffre des subsides à fournir allait être très fortement augmenté, l’état trouva commode d’agir avec les compagnies comme le bourgeois qui fait bâtir, et qui, à défaut d’argent comptant donne à l’entrepreneur sa signature à escompter. Telle fut l’origine en 1857 des obligations remboursables en trente ans, portant 20 francs d’intérêt au taux nominal de 500 francs, mais livrées aux compagnies au prix moyen de 445 francs. On commença par placer ainsi environ 320,000 titres. Les 80,000 autres restèrent à la disposition de l’état pour les besoins éventuels. En 1861, le ministre fut autorisé à émettre une seconde série de