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300,000 obligations trentenaires, mais en s’adressant directement au public. Ce mode de placement séduisit les capitalistes ; on se disputa les titres. L’année suivante, M. Fould, à peine arrivé au ministère, prit à tâche de supprimer les obligations trentenaires en les comprenant dans son plan pour la conversion des rentes perpétuelles. Bref, les 700,000 obligations ont fait entrer dans le trésor 283,009,000 francs. Ayant été transformées presque totalement en rente 3 pour 100, les contribuables paient de ce chef une annuité perpétuelle de 12,092,250 fr. sans préjudice d’une somme dépassant 2 millions à fournir pendant vingt ans encore pour l’amortissement de 62,500 obligations trentenaires que les porteurs s’obstinent à ne pas convertir.

En 1859, on ne cherche pas à dissimuler l’emprunt : il s’agit d’une cause sympathique à la France, l’émancipation de l’Italie. 25,773,370 francs de rentes consolidées sont inscrites au prix de 519,667,877 francs effectivement encaissés. Une grande chose politique aura du moins été faite. et quand la question romaine, usée par le temps, ne sera plus une cause de froideur, l’alliance naturelle et cordiale de l’Italie dédommagera la France de ses sacrifices. Il ne faudrait pas en effet considérer la campagne de 1859, au point de vue des chiffres, la spéculation ne serait pas brillante. En échange des 25 millions de rentes introduits dans notre budget des dépenses. nous trouverions à grand’peine un recouvrement annuel de 16 millions pour toutes les recettes provenant des trois départemens acquis par l’empire. Ajoutons à cela que la France, s’étant engagée par le traité de Zurich à transmettre à l’Autriche une somme de 102 millions qu’elle devait recevoir de l’Italie sous forme de rente, a envoyé à Vienne les 102 millions en espèces, et a subi sur la négociation des rentes italiennes une perte sèche d’environ 40 millions qui ont été bravement rejetés à la charge de notre dette flottante.

A l’ivresse de la gloire militaire se mêlait, même dans les régions officielles, une certaine anxiété au sujet des finances. M. Fould fut chargé de donner à cette impression vague une forme précise. Telle fut l’origine du fameux Mémoire à l’empereur, lu aux Tuileries le 12 novembre 1861, dans une réunion du conseil privé et des ministres, et reproduite par le Moniteur comme pour marquer le point de départ d’un système nouveau. M. Fould, rappelant la, part qu’il a prise dans le sénatus-consulte du 25 décembre 1862 qui a constitué la dictature impériale en matière économique, déclare « qu’il n’est pas inutile de revenir sur le passé. » La trop grande facilité des viremens équivaut, suivant lui, à la liberté de décréter des dépenses sans le contrôle du corps législatif, et c’est là, on