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français et étrangers, les bordereaux d’agens de change, sont soumis au timbre. Le trafic des chemins de fer ouvre une source de plus en plus féconde par le prélèvement du dixième sur le prix des places. Nous ne blâmons pas ces moyens de fiscalité, nous constatons seulement que les surtaxes et les taxes nouvelles, qui ne sont pas toujours des indices de prospérité, ont eu une part considérable dans l’accroissement général des recettes de l’empire : par cette raison même, l’effet est produit, et ce n’est point par de nouvelles surcharges qu’on réussirait à augmenter les ressources du trésor.

Nous avons caractérisé plus haut ce programme économique de l’empire, qui consiste à prendre l’initiative, le patronage et souvent la responsabilité des entreprises, qui pousse au luxe comme encouragement à l’industrie, qui développe les travaux concédés et subventionnés sur la plus large échelle et sait les combiner de manière que chaque entreprise suscitée par lui ouvre une série de travaux particuliers, une source de profits et de salaires. En même temps que l’état engageait son présent et son avenir, les villes et les communes s’endettaient à son exemple, sous son impulsion. La seule transformation de Paris a remué des milliards. Il n’est pas étonnant qu’un système de travaux publics poussé à outrance ait réagi sur la fiscalité et fécondé plusieurs branches de l’impôt. Un chemin de fer qu’on ouvre, une rue qu’on perce à travers une ville, un palais qu’on élève, donnent lieu immédiatement à de nombreuses transactions sur les immeubles, à des contrats, à des droits de mutation, à des emplois de papier timbré : nous en avons la preuve sous les yeux. Dans les produits du timbre et de l’enregistrement, le département de la Seine, qui ne fournissait, il y a vingt ans, que 37 millions, figure aujourd’hui pour près de 100 millions. Les grandes villes, qui ont sacrifié à la passion des embellissemens, Lyon, Marseille, Bordeaux, présentent des résultats analogues. L’élargissement de Paris a augmenté considérablement le nombre des contribuables : la part de l’état dans l’impôt sur les boissons était de 12 millions en 1850, elle s’élève à 45 millions aujourd’hui. D’un autre côté, une surexcitation quelque peu factice est entretenue dans l’industrie par les dépenses d’armement qui sont toujours croissantes ; des centaines de millions sont versés chaque année dans les usines où l’on forge des armes et des blindages, dans les ateliers d’équipement, sur les marchés ruraux pour acheter des vivres, des chevaux, des fourrages. Et puis enfin les grandes situations individuelles créées par le budget, les gros traitemens, la multitude des pensionnés de l’état, l’ambition du bien-être qui se propage, le luxe devenu une sorte de nécessité, tout cela communique à la société française une animation, un éclat,