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le signal d’alarme et se dirigent de concert vers le point menacé,

On n’aurait pourtant qu’une idée très superficielle de la police anglaise, si l’on s’arrêtait à ces généralités. Il faut interroger de plus près les faits et pénétrer dans la pratique du service. Comment avant tout devient-on policeman, et quelles sont les formalités à remplir ? Tout homme n’ayant pas plus de trente-cinq ans, sachant lire et écrire, et dont la taille atteint cinq pieds sept pouces anglais de hauteur (sans souliers), possède déjà quelques-uns des titres nécessaires pour s’enrôler dans l’armée de sir Richard Mayne. Il peut être marié, mais il ne doit point avoir en ce cas plus de deux enfans. On exige en outre de lui qu’il soit honnête, sobre, actif, et ce que les Anglais appellent good temper, c’est-à-dire doué d’un caractère aimable et d’une grande égalité d’âme. Pour peu qu’il se flatte lui-même de remplir toutes ces conditions, rien ne l’empêche de s’adresser par écrit aux autorités de Scotland-Yard, qui le font alors examiner par un médecin responsable et attaché à l’administration. Ce surgeon juge en toute conscience si le candidat est assez fort et assez intelligent pour suffire aux pénibles et délicates fonctions qu’il s’agit de lui confier. Sort-il triomphant de cette épreuve, l’aspirant doit encore fournir un certificat de bonne conduite signé par un clergyman, un chef de travaux ou de respectables commerçans l’ayant connu personnellement depuis au moins cinq années. Ceci obtenu, il est fait constable ou policeman.

On l’envoie ensuite pour apprendre son état à ce qu’on appelle les classes préparatoires. Dans les casernes connues à Londres sous le nom de Wellington barracks et qui sont occupées par les gardes, se trouve un terrain consacré aux exercices des nouvelles recrues de Scotland-Yard. Six heures par jour, ces conscrits se livrent à des manœuvres que commande un assistant commissioner, un inspecteur ou tout autre officier de police. Cette première éducation dure deux ou trois semaines, selon les aptitudes personnelles. Les jeunes constables sont ensuite distribués dans quelques-uns des districts qui s’étendent autour de Londres. Comme ils sont encore ce que la métaphore anglaise appelle des fruits verts (green), on les associe dans les commencemens à des hommes mûrs qui connaissent le métier et ont acquis de l’expérience. Habillés désormais aux frais de l’état, le policeman reçoit à son entrée dans le service un uniforme qu’il doit toujours porter dans la rue. En quoi consiste cet uniforme ? Tout constable est revêtu d’un pantalon et d’une redingote de drap bleu foncé étroitement boutonnée et brodée au collet d’une lettre de l’alphabet et d’un chiffre[1]. Le lourd chapeau de

  1. La lettre indique la division à laquelle il appartient, et le chiffre est le signe de son identité personnelle. Comme il y a vingt et une divisions, on s’est servi de vingt et un caractères de l’alphabet pour les désigner. C’est ainsi qu’on imprime chaque matin dans le bulletin des tribunaux anglais : « Déposition de F 50. » Cela veut dire le constable portant le numéro 50 dans la division F (Covent-Garden). Quelquefois le même policeman porte deux lettres sur son habit : par exemple R R signifie la réserve de la division R.