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nouveaux. Du mois de novembre 1305 au mois de février 1306, Bernard resta, comme la cour du pape, dans la ville de Lyon, réclamant peut-être des juges, mais n’en obtenant pas. Au mois de février, le pape, s’éloignant de Lyon, visita Mâcon, Nevers, Bourges, Limoges, Périgueux, et se rendit à Bordeaux. Bernard fit avec lui ce voyage. À Bordeaux, la cour du pape séjourna jusque vers le mois d’avril 1307. Bernard, toujours captif, y fit aussi long séjour. Cependant au mois d’avril, quand le pape vint à Poitiers, où le roi devait le rejoindre, Bernard fut conduit au couvent de Saint-Junien, dans le diocèse de Limoges. Enfin, le 25 novembre, une lettre du pape enjoignit aux mineurs de Saint-Junien de l’envoyer à Poitiers. Philippe avait fait annoncer son prochain retour dans cette ville, et le pape hésitait, après un si long ajournement, à décider quelque chose dans l’affaire de Bernard sans avoir auparavant mis en présence l’accusateur et l’accusé.

Bernard ne se hâta guère d’aller trouver le pape. On ne le vit pas à Poitiers avant la première semaine du carême de l’année 1308. Il paraît peu de temps après devant le roi de France, non pour s’excuser, mais pour se plaindre et pour défendre la mémoire de quelques citoyens de Carcassonne, injustement accusés, dit-il, injustement condamnés. Le roi l’écoute maintenant avec indifférence. Les plus compromis des traîtres ont expié leur crime par un supplice exemplaire : il n’a pas lieu de se plaindre, lui, leur complice, qu’on a charitablement épargné. Cette nouvelle entrevue n’eut pas de suites et n’en pouvait avoir. Le roi ne croyait plus Bernard et ne le craignait plus ; il lui pardonnait et voulait l’oublier. Bernard pouvait donc se croire libre ; mais il apprit bientôt qu’il ne l’était pas tout à fait. Philippe, s’éloignant de Poitiers, négligea-t-il d’avertir Clément qu’il n’avait plus à s’inquiéter de Bernard ? Quoi qu’il en soit, Bernard, ayant résolu de retourner à Carcassonne, fut informé qu’il ne devait pas quitter la ville où résidait la cour. Il lui fut dit toutefois que la permission d’aller et de venir lui serait probablement accordée, s’il la demandait. Il la demanda. Sa conscience était encore insoumise ; mais, ayant désespéré de la fortune aussi bien que de la justice, il s’humiliait. La permission ne lui fut pas en effet refusée, et on le revit peu de temps après à Carcassonne.

En son absence, l’état des choses avait beaucoup changé. Il avait laissé l’inquisition presque triomphante ; il la retrouvait intimidée, ne menaçant plus, n’outrageant plus et négligeant même son odieuse besogne. Enfin le pays pacifié respirait. Cet heureux changement, on le devait au pape. Après l’exécution d’Élie Patrice et de ses complices, Clément V avait d’abord prié le roi de cesser les poursuites et d’accorder une grâce entière aux habitans du bourg