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II.

Le 17 juin 1811 à huit heures du matin, les prélats convoqués se réunirent dans les salles de l’archevêché de Paris ; ils étaient tous revêtus de leurs habits épiscopaux, en chape et en mitre. Précédés par le chapitre métropolitain, ils s’acheminèrent processionnellement vers l’église de Notre-Dame, traversant sur leur passage une foule plus curieuse peut-être que recueillie. Ils étaient, comme nous l’avons dit, au nombre de quatre-vingt-quinze, — six cardinaux, huit archevêques et quatre-vingt-un évêques, — sans compter neuf ecclésiastiques pourvus de sièges épiscopaux par l’empereur, mais non encore institués par le pape. La grande nef de Notre-Dame était avant leur arrivée déjà remplie. Grand nombre de fonctionnaires s’y étaient rendus, mais privément et sans porter leur costume officiel ; cette ouverture du concile était tout à fait publique. Elle constituait ce que les écrivains ecclésiastiques ont coutume d’appeler la première session du concile de 1811. D’après les traditions de l’église catholique, ces sessions doivent en effet se tenir toutes portes ouvertes. Lors de la dernière session du concile, ou bien quand il importe de proclamer immédiatement quelque résolution arrêtée par la docte assemblée, c’est l’usage qu’un des prélats monte en chaire et donne lecture à haute voix, et le plus souvent en latin, des déclarations votées dans les congrégations générales, où le public n’est pas admis, et au sein desquelles les discussions ont eu lieu préalablement, loin des oreilles du vulgaire[1]. Il avait paru sage, même autrefois, de ne pas trop initier les fidèles aux hésitations qui pourraient se produire entre les pères du concile. Cette utile précaution avait pour résultat d’ajouter à l’autorité des opinions dont l’orthodoxie était solennellement proclamée le prestige d’une unanimité apparente. Rien ne manquait donc dans les siècles passés au dramatique effet de ces assises extraordinaires de l’église. L’importance en était encore singulièrement accrue par l’émotion des spectateurs de toutes classes, particulièrement des masses populaires, alors si ardentes à prendre part aux débats religieux, et qui attendaient avec une anxiété fiévreuse la publication des sentences dont la teneur définitive allait décider des controverses du jour, donner tort aux uns, raison aux autres, et servir désormais de règle incontestée aux croyances de tous. S’il n’en était pas tout à fait ainsi dans le Paris de 1811, il ne faudrait pas, sous peine de se beaucoup

  1. Voyez la brochure imprimée soi-disant par ordre du concile, en réalité d’après les inspirations du gouvernement impérial, chez Adrien Le Clère, juin 1811, intitulée Cérémonial du concile national de Paris.